Le Temps des Découvertes ~ Sur les mers

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Le défilé de Samouraïs continuait à circuler sur les quais, écartant la foule sur son passage. Certains d'entre eux, armés de leurs lances, s'écartèrent et formèrent une hait d'honneur avant de poser le manche fortement contre le sol. Quand un véritable couloir fût créer, séparant les civils des officiels, les clameurs grimpèrent. Le Général arrivait enfin, en tête de son cortège personnel. Accompagné de scientifiques, poètes et autre, il grimpa sur le premier navire, aussi le plus massif, tout en saluant la foule. D'autres officiers firent de même sur les navires suivant. Finalement, le mot que tout le monde attendait avec empressement finit par se faire entendre.

"Larguez les amarres !"

Les soldats restés sur le ponton s'exécutèrent et détachèrent les cordes qui retenaient les navires à la terre. Il y eut un peu de chamboulement, puis les rames s'actionnèrent pour lancer les bateaux dans leurs courses. La foule, maintenant amassée au plus près des quais, saluer les courageux aventuriers qui se lançaient à la découverte des Jeunes Terres. Certains pleuraient, d'autres n'exprimaient que de l'inquiétude dans leurs regards. Les marins, soldats et volontaires étaient accolés aux bords des navires et saluaient eux aussi ceux restés sur terre. Aucun d'eux ne craignaient jamais revenir. Au contraire, ils étaient tous enthousiastes à l'idée de devenir les explorateurs et héros de demain. Certains avaient même déjà concocté un chant qui résonnait dans les airs, pour donner courage, force et espoir à toutes les familles. Il ne fallut pas longtemps pour que les voiles se mettent à gonfler, accompagné d'un air de musique jouer à la flûte. Il était facile pour n'importe quel Mage de reconnaître là la signature magique d'un puissant confrère. Ce vent si soudain et doux entraînait les bâtiments à une vitesse douce sur les flots et bientôt, la flotte quittait la baie de Choukai pour de nouveaux horizons. Hikato s'avançait jusqu'à la proue du navire et posait son pied sur la rambarde, admirant l'horizon et rêvant déjà des nouvelles terres qui aller accueillir ses pieds. Il songeait aussi aux magnifiques trophées qu'il allait pouvoir rapporter.

L'agitation gagnait rapidement le navire pendant que le Vice-Capitaine, au milieu du pont, s'époumonait à lancer ses ordres à tout l'équipage.

"Très bien soldats et marins, finis les larmes ! Maintenant nous prenons la mer pour Les Jeunes Terres ! Alors au travail, je ne veux voir personne battre de l'air ! On se remue, pas de faveurs pour qui que ce soit ! Vous, les aventuriers, venez ici et dites moi ce que vous savez faire. On a besoin de toutes les paires de bras !"

Il distribuait avec précision et autorité chacune des consignes à tout le monde. Le son de la flûte finit par se taire dans une note harmonieuse, les navires s'alignant dans une colonne pour faciliter la navigation. À l'arrière du navire de tête, on pouvait voir une jeune enfant agiter les bras en direction du troisième navire.

"Hey Zärfell ! J'avais bien reconnut ta force magique !!! Toi aussi tu es de la partie alors ? C'est super ! Riku est là aussi !"

Shoukakou, l'une des Mages Arc-en-Ciel, finit par disparaître avant de crier une dernière fois qu'ils se retrouveront sur la terre ferme. Le trajet se déroula sans aucune encombre, ni présence monstres, ni tempête n'empêchant la flotte de progresser vers son objectif. Les cinq navires, rejoint par d'autres de la flotte impériale, progressait désormais doucement et sous couvert de la lune. Le ciel étoilé se reflétait sur la surface de l'eau et donnait l'impression aux vaisseaux de flotter dans le ciel infini. La nuit était le seul instant où l'équipage pouvait profiter d'un peu de répit. Beaucoup s'était réunis autour d'une pierre de feu, qui éclairait doucement la pièce, pour raconter des histoires d'aventures.

"Cela faisait sept jours que j'étais sur la piste de cet animal. Je n'avais trouvé que des cadavres de ses proies, dont il ne restait à chaque fois que les os. Impossible d'avoir une piste plus intéressante. Puis finalement, je me suis retrouvé nez à nez avec la créature, qui venait de chasser. Je m'assurais d'être contre le vent, sinon je savais que je serais son prochain repas. Alors je m'approchais doucement, j'attrapais mon arc et tirait la flèche de mon carquois. J'appliquais méticuleusement la salive de Salamandre sur la pointe, sans lâcher l'animal des yeux. Puis je plaçais la flèche sur la corde, et me leva tout doucement pour prendre la visée. J'alignais mon regard avec la flèche, bandait l'arc et... En un éclair, je laissais la corde se lâcher, puis le projectile fila à toute vitesse et se ficha dans la gorge de l'Échinda ! Je me jetais immédiatement à terre, couvrant mes yeux pour éviter son terrible regard. Le serpent géant me cherchait du regard, je le sentais, je pensais même percevoir sa langue bifide sur mon dos. C'est là que j'entendis un bruit sourd et quand je me relevais, l'animal était à terre, sans vie, la plaie sentant le brûlé et tout son corps émettant une chaleur caniculaire. Il ne me restait plus qu'à lui arracher les yeux, et maintenant, sa tête repose dans ma demeure !"

Hikato avait capté les marins avec l'histoire de sa traque d'un Échinda, un terrible monstre serpent qui hante les recoins sombres des forêts d'Awarennor et peut glacer le sang des hommes d'un regard. Le traqueur avait même joint les gestes à la parole en décochant une flèche dans un mur et en dégainant son sabre pour faire mine de décapiter les marins. La porte coulissant s'ouvrait sur le Vice-Capitaine Kenshin qui arrachait la flèche du bois où elle reposait. Les marins bondirent.

"Calmez-vous soldats. Vous avez bien de la place pour un homme de plus ?"

Les marins accueillirent avec plaisir leur officier qui se joignait à la discussion. Ils échangèrent un rire, une accolade amicale et un verre de saké avant qu'Hitako ne se tourne vers Zärfell.

"Vous, Zärfell ! Vous devez sûrement avoir une histoire intéressante à raconter ! Aller c'est votre tour !"

Si le jeune homme voulait protester, il devait convaincre l'équipage qui était presque prêt à taper du pied et sur les tables en rythme pour l’inciter à se joindre à eux et boire une gorgée d'alcool avant de parler.

~ Le magicien fit son travail avec entrain. Il était toujours heureux de pouvoir se rendre utile. Enfin, une fois toutes les caisses rangées, il vit les lignes de samouraï et le Général, ainsi que les Officiers, apparaître. Ça y est, ils y étaient ! Le moment du départ. Zärfell regarda un instant l'horizon... Il ne partait pas explorer Pandore, mais bien quelque chose de plus excitant encore : l'inconnu ! Il n'était pas parti avec la peur de ne jamais revenir, car il savait qu'il reviendrait. Peut-être cette confiance était due en sa foi en la magie. La magie, toujours, le couvait de ses ailes, bien que le trentenaire avait conscience que l'on échappait pas à la mort. Enfin, le mot d'ordre fut donné. Les bateaux se mirent en branle. Zärfell vit les hommes et femmes restaient en bas les saluer. Il y avait une foule monstre. Il pensa à son fils et sa fille, qu'il avait serré fort dans ses bras, tout comme Akane. Oui, il songeait à eux comme il savait qu'eux aussi, ils songeaient à lui. Après cette pensée, son cœur fut plus tranquille. Il chercha à savoir ce que Vishet faisait. Le Vétéran se concentra, mais il n'entendit que le souffle profond du dragon endormi. Néanmoins, il savait que le légendaire animal avait compris qu'il partait en expédition. Il y eut un soupir plus long que les autres... Ce fut comme cela que Zärfell le sut. Peut-être cela aussi rassurait le jeune homme, de savoir qu'un être aussi exceptionnel que Vishet était plus ou moins à ses côtés. Puis, il revint au moment présent et adressa un sourire à tous ces gens restaient en bas. Harmattan posa ses pattes sur le bord du navire qui partait. Elle n'avait jamais vu autant de bipèdes s'amonceler près des quais... Quelle drôle d'idée ! Mais elle aussi, elle sentait quelque chose dans son cœur : l'appréhension et l'excitation de l'inconnu.

Enfin, le vent du large souffla dans la chevelure épaisse et claire du jeune homme. Qu'il aimait cette sensation, le vent dans les cheveux ! C'était son élément qui lui parlait. Un non-Mage ne pouvait pas savoir ce que c'était. Soudain, la voix du Vice-Capitaine Kenshin résonna comme un cor dans la montagne. Zärfell rejoignit l'ensemble des marins et aventuriers pour dire ce qu'il savait faire. Il observa Hikato, Ryoujô et Mikasa répondre avant lui. Enfin, le Mage se tourna vers Kenshin :

- Je n'ai pas de compétences particulières en navigation. Je sais rabattre les voiles et les ouvrir, ça je l'ai appris sur le tas à force de voyager en bateau. Par contre, je maîtrise les aléas du ciel en tant que Mage de Vent et d'Eau. Je peux sans problème faire souffler des vents favorables et écarter des tempêtes, après, tout dépend l'envergure de la tempête, mais normalement, ça ne devrait pas me poser de souci. Je peux aussi mettre le bateau à l'abri des intempéries. Bref, dès que ça parle météo ou houle, vous pouvez faire appel à moi. Je sais aussi très bien éplucher les patates et préparer des repas, parole de papa.

Il pensait à ses instant cuisine avec ses enfants. Le Sylphe se souvenait aussi qu'il avait dû parfois se dépêcher pour préparer des déjeuners, car il était en retard à cause du travail. Et il savait bien que s'il laissait faire Yàssadja, du haut de ses cinq ans, malgré toute sa bonne volonté, elle transformait la cuisine en champ de bataille avec des œufs et de la farine partout. On l'envoya donc vérifier les voiles sous la subordination des marins. S'il n'aimait pas trop être sous terre, et encore pire enfermé, il adorait crapahuter en hauteur. Dans les cordages, il se sentait comme un poisson dans l'eau ! C'était son univers, les hauteurs. Il entendit alors un air de flûte... Bien sûr, il les avait repérés. Le jeune homme se tourna vers l'enfant qui jouait si bien. Il sourit et fit aussi un signe de main en réponse à la Mage. Des Mages Arc-en-ciel étaient forcément de la partie. C'était tant mieux, ensemble, ils seraient faire bien des miracles en alliant leur force ! Puis, le reste de la journée, il la passa à inspecter les voiles, suivre les recommandations des militaires de la mer et, aussi, s'assurer que des vents favorables gonflent généreusement les voiles. Il vérifia la pureté du ciel et la houle, car il maîtrisait aussi l'élément qui fut celui de ce bon Vieux Sage... L'eau. Harmattan se mit dans un coin pour ne pas déranger et observa tout ce remue-ménage d'humains. A côté d'elle, il n'y avait qu'un seul autre animal à bord : un chien costaud et bien dressé, au regard perçant. Sûrement les militaires comptaient-ils s'en servir comme chien renifleur une fois à terre, ou quelque chose comme ça. C'était ce qu'elle en déduisait. En tout cas, elle était impressionné par son flegme canin et sa capacité à ne pas bouger d'un iota. Une vraie statue de marbre !

La nuit tomba lentement et les étoiles firent leur apparition. S'il avait été entouré de tentes, de murmure de sable, de mots prononcés dans une autre langue et de fraîcheur désertique, il aurait juré être à Erimos. Le chien dormaient dans son coin. Harmattan était venue s'allonger contre Zärfell pour profiter de quelques caresses. Il observait Hikato avec attention. Son histoire le captivait autant que sa gestuelle. Le Sylphe raffolait des histoires comme celles-ci où se mêlaient mystère et frissons. C'était en effet une sacrée aventure et traque qu'il avait connu ! Zärfell était content d'en découvrir plus sur cet homme. Soudain, le claquement de la porte de Kenshin fit relever brusquement la tête à Harmattan. Puis, elle se rendit compte que ce n'était rien d'autre que le colosse bipède et elle reposa sa tête sur les genoux de son maître. L'Erudit but de bon cœur une coupe de sake avec tout le monde avant qu'on ne s'adresse à lui. Il cligna un peu des yeux. Que pouvait-il bien raconter ? Depuis ses dix-sept ans, il en avait vécu des choses... L'événement du Manipulateur ? Hum, non. Le combat contre le Champion Pastalia et Morlo ? Hum, non plus. Le combat pour défendre les Sonwe ? Zärfell n'était toujours pas convaincu. Sa première rencontre avec le dragon de la Montagne du Crépuscule ? La première fois qu'il avait affronté un tigre dans la forêt de Shoan ? Ses bagarres avec des mercenaires et des Mages à Gandur ? Une énième incartade à Mandrosa avec des malfrats ? Les fois où il avait cru qu'il allait y passer pendant ces voyages sur les routes de Pandore ? ... Non, il fallait du mystère et des frissons. Il esquissa un sourire :

- Bien sûr que j'ai une histoire pour vous. Et pour cela, il faut se rendre à Erimos.

C'était tellement évident. Sa traque du Lion Suzerain qu'il devait battre pour prouver aux Voyageurs qu'il était digne d'eux et "du désert". Il prit une autre grogée de sake avant de sortir sa petite flûte traversière de bois.

- Ça s'est passé il y a bien dix ans de cela, peut-être plus même. C'était la première fois que je voyais ce territoire aride, sec, inhospitalier. Imaginez du sable à perte de vue, un murmure de vent bien singulier et une chaleur de plomb, tellement que vos yeux croient voir des trésors qui n'existent pas. Si vous êtes déjà allés là-bas, vous perdre dans les dunes qui changent sans cesse de forme, vous voyez très bien de quoi je veux parler.

Autour de la pierre de feu, il fit souffler une délicate et très légère brise tiède, rappelant le sable du cette terre austère. Il prit alors sa flûte et joua un petit air de ce coin de terre de sable. On avait l'impression qu'un serpent fait d'air sifflait entre les collines et les vagues d'Erimos. Pendant qu'il jouait, des figures du désert défilaient dans les airs, illuminées par la pierre de feu : dunes, oasis, serpents, dromadaires, scorpions... Puis, doucement, il s'arrêta et poursuivit :

- J'étais parti trouver et traquer un Lion Suzerain. Je me suis donc mis en marche, principalement à la tombée du jour et la nuit, pour être moins fatigué par la chaleur. Je me guidais grâce aux étoiles, en évitant les scorpions et les serpents de sable. On m'avait dit que ces Lions ne se montraient que s'ils le voulaient bien. Alors, un jour que je marchais à la tombée du jour, j'en ai entraperçu un. Une crinière de feu, des pattes immenses, un pelage qui se confondait avec le sable...

Il souffla de loin sur la pierre de feu qui illumina une silhouette d'air d'un Lion Suzerain. Une bête majestueuse. Le chien fut aussitôt réveillé et vit cette chose étrange qui l'intrigua sans l'effrayer. Allons, ce n'était pas un vrai lion ! C'était un chien de l'armée, pas un andouille de clebs qui aboyait même contre sa propre ombre. Il savait faire la différence. Il rebaissa la tête et se rendormit. Au moment où la chose disparaissait dans le vent, Zärfell continua :

- Une ombre dans la nuit qui tombait. Je n'ai vu que sa silhouette, puis, il a disparu dans un souffle de sable. Je crois qu'il avait compris que je le cherchais, alors, sachant pertinemment que pour l'instant, c'était lui qui menait la danse, je l'ai suivi, ainsi, grâce à ces brèves apparitions. Je l'ai suivi jusqu'aux plateaux de pierre ocre. Je me suis donc engouffré dans ce labyrinthe où des vautours volaient, sans rien dire, au-dessus de ma tête. J'ai vu des touffes de poil que j'ai suivies jusqu'à une immense clairière où un soleil de plomb tapait... C'est là que je l'ai vu, pour de vrai. Il devait bien faire deux tête de plus que moi. Une carrure monstrueuse et un regard rubis. Il ne m'a pas laissé le temps d'avoir peur et il sait jeté sur moi ! J'ai esquivé comme j'ai pu, car je savais qu'un coup de griffes ou de crocs signifiait que s'en était fini pour moi. Un coup de pattes que je devais esquiver sur la droite et j'essayais de l'attaquer aussitôt avec mes faibles sorts de l'époque. J'ai bien réussi à le blesser un peu, mais aucune boule d'air ne venait à bout de ce colosse ! Cela a duré plusieurs heures. J'avais beau lui infligé quelques dégâts, il était bien plus fort que moi. Je fus rapidement épuisé. Un moment d'inattention et il en profite pour se jeter sur moi, d'un coup, vlan ! Il m'écrase avec ses immenses pattes, s'apprêtent à en finir d'un simple coup de griffes quand, animé par la peur, je l'ai repoussé avec tout ce qui me restait de magie. Une tornade qui l'a propulsé à plusieurs mètres, jusque contre la paroi rocheuse. J'ai entendu son cri de douleur et il s'est effondré.

Il marqua une pause, laissant la pierre de feu rougeoyait un peu en solitaire. Zärfell termina :

- En vrai, j'ai eu un peu honte de moi. Je suis un Sylphe, pour moi, faire du mal aux animaux m'est difficile. Alors, je me suis approché tant bien que mal de lui pour voir s'il était mort... J'aurais été bien triste. Il était là, inerte, allongé, quand d'un coup, il a ouvert les yeux... On s'est regardé, comme ça, nez à nez, en face à face. Il avait failli me tuer et j'avais failli le tuer. J'ai compris que, même si personne n'était mort, j'avais gagné ce duel. En contre partie, il m'a laissé une de ses griffes cassées comme preuve de ma victoire. Je l'ai soigné comme j'ai pu et, ensuite, c'est lui qui m'a porté jusqu'au campement de Voyageurs, car j'étais vraiment à bout de force. Une fois là-bas, on s'est regardé une dernière fois, puis, il est parti dans le vent et le sable.

Zärfell baissa son bâton d'alchimie où la lueur de la pierre philosophale se retrouva un peu cachée par un gros objet. C'était la griffe et sa taille donnait une idée de celle de l'animal... Son éclat était sombre et rappelait les bois précieux des forêts primaires. Elle avait des reflets mordorés envoûtants...

- Voilà ce que j'avais à vous raconter.

Il se tourna alors vers l'Esper. Il lui sourit.

- Et toi, Mikasa, as-tu une histoire à nous raconter ?

Après tout, c'était une forgeron vagabonde. Elle avait forcément vécu de nombreuses choses.

Mikasa posa le dernier tonneau contre le mur avant de se lever et se laver le front en sueur avec le revers de son poignet. Elle jeta un regard sur les cargaisons volantes de Zärfell. Elle ne pût s'empêcher un petit rire en passant sous l'un d'entre eux. Elle attrapa quelques sacs de toiles, se chargeant de les mettre à l'emplacement désigné par le soldat qui les lui avait transmis. Elle jeta encore un regard face aux samouraïs défilant dans la rue, puis s'arrêta le temps d'admirer l'arrivée des officiers. Le Général prenait la tête et grimpait sur le premier navire. Le signal n'allait pas tarder. Alors elle grimpa sur le mat pour avoir le plus grand aperçu possible sur l'horizon. Le vent fit danser ses cheveux contre son visage pendant que le cri des mouettes accompagnait celui des marins. Le signal était donné et les navires quittaient la terre pour prendre la mer. Les notes de musiques, qui guidaient le vent pour qu'il gonfle les voiles, la berça encore un instant. Elle n'avait personne à saluer sur le quai, aussi prenait-elle le temps de s'extasier sur les possibilités infinies que Les Jeunes Terres allaient lui offrir. Rapidement, la voix singulière de son ancien camarade de l'armée la fit littéralement redescendre sur terre. Elle arriva devant lui après une petite descente. Le géant lui adressa un regard d'autorité amicale.

"Toi je sais déjà ce que tu peux faire Mikasa. Va finir de ranger les munitions dans la cale. Fais ce que tu fais de mieux avec celles dont tu en jugeras le besoin.
- À vos ordres Vice-Capitaine."

L'Esper s'exécutait sans poser de questions. Elle parcourut le chemin jusqu'à la salle des munitions. Les flèches étaient toutes rangées dans de larges tonneaux. Seules leurs plumes de grues blanches dépassaient. Il devait y avoir une centaine de projectiles par tonneaux, pour une quantité égale de contenants. Elle se présenta aux marins qui s'adonnaient à la tâche. Une par une, à l'aide du même outillage qu'eux, elle observait chacune des flèches et taillait les plumes si nécessaires. Elle mettait de côté celles qui lui semblaient émousser. Elle avait demandé un sac de jute assez solide pour transporter le tout. On ne pouvait pas voir Mikasa de la journée, car elle avait passé celle-ci dans cette pièce fermée, sentant la mer et le bois, avec pour seul bruit le craquement du chêne et les vagues se heurtant contre sa coque. Quand le couvre-feu fût donné, elle arrivait dans les quartiers de l'équipage avec un lourd sac remplit d'une quantité importantes de ces flèches. Elle s'était installée dans un coin, au plus près de la lueur des pierres de feu. Puis elle avait sortie son matériel de forge et avait commencé son travail d'affûtage. Elle écoutait d'une oreille distraite et attentive les histoires de ses camarades. Quand on le lui avait proposé, elle avait accepté la petite coupole de saké qui reposait à ses côtés. Elle était assise en tailleurs, penchée et concentrée sur son travail. Avec une grande expertise, elle frottait les pointes des flèches sur la pierre à aiguiser qu'elle tenait fermement calé avec sa cheville. L'arrivée du Vice-Capitaine, puis l'histoire de Zärfell la captiva un peu plus. Le spectacle musical et luminaire l'emmenait vers des contrées qu'elle n'avait jamais vus dans sa vie. Les Espers ont beau avoir une vie beaucoup plus longue que celle des humains, ils en font ce qu'ils en veulent comme eux, et s'ils ne peuvent pas voir de nouvelles contrées, ce n'est pas une forme d'immortalité qui les y aidera.

Elle leva les yeux de sa flèche quand le jeune homme lui demanda à son tour de conter une histoire. L'Esper prit le temps de réfléchir à la question, tout en vérifiant encore une fois la pointe d'une flèche. Elle appuya doucement sur cette dernière et une minuscule goutte de sang perla. Elle la nettoya tout de suite en posant le doigt entre ses lèvres, puis se leva avec sa coupe de saké en main pour se rapprocher de la table.

"J'étais à Awarennor, dans un petit village dont j'ai oubliais le nom. C'était juste après mon service militaire, je l'avais finis près de la frontière et j'avais décidé de voir ce que pouvait me proposer le Royaume en terme de matériaux et de techniques pour la forge. Une fois arrivée sur place, j'apprenais que le village était soumis depuis à une recrudescence des attaques d'hommes-lézards. Je me mit à forger assez d'armes en une nuit pour équiper une petite milice locale que voulait lever le chef des lieux. Peu après, cette milice partit pour attaquer le campement des créatures, à un jour de marche, vers le Nord. Lorsqu'aucun d'entre eux n'était revenus, je me décidais à partir à mon tour. J'ai trottiné pendant une journée entière sans m'arrêter, espérant atteindre cet endroit où se rassemblent ces stupides créatures avant la nuit. Bien qu'épuisée, j'atteignais mon objectif. Ils n'avaient pas massacré toute la milice, certains survivants étaient enfermés dans une cage d'os et de bois près d'un feu sommaires. De toutes évidences, ces monstres allaient bientôt en faire du petit bois. Alors je prenais mon katana et me glissait à la lueur de la nuit. Je n'ai aucune expérience d'infiltrée ni d'espionne. Mais je parvint à me glisser derrière l'un d'eux et là !"

Elle dégaina un petit couteau pour couper le pain laisser sur la table et le glissa sur la gorge d'un des marins. Ce dernier leva les mains en riant pendant que les autres faisaient mine d'avoir peur.

"Je tranchais la gorge d'une créature pourtant presque deux fois plus grandes que moi. Avant qu'il ne tombe à terre je retournais au couvert de la nuit, puis j'attrapais le cou de l'autre qui était prêt de lui."

Encore une fois, Mikasa illustra ses propos en faisant mine de briser la nuque du marin suivant sur sa gauche.

"Les hommes-lézards se mirent rapidement en alerte. Je comprenais que je n'avais plus l'initiative. La lame prêt à trancher, j'engageais chaque créature qui venait à moi, le plus rapidement possible, et dans l'espoir d'un combat singulier. C'est quand le douzième d'entre eux tomba que les autres se décidèrent à prendre la suite. Il ne me restait plus qu'à ouvrir la cage, puis nous rentrâmes, les survivants de la milice et moi, au village le lendemain."

Elle termina en plantant le couteau dans le pain comme pour conclure d'un point final. Les marins poussèrent des cris ébahis face au courage de la jeune femme. Mikasa passa une mèche de cheveux derrière son oreille et retourna à ses occupations.

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Chaque marins et hommes écoutaient avec attention les histoires que racontaient tour à tour Zärfell et Mikasa. Ces deux là avaient clairement vécus des choses que peu d'entre eux ne connaissaient. Les hommes de la mer avaient cependant des récits tout aussi intéressant à dire à leurs comparses. Les mers et l'Océan de Yami sont des territoires gorgés de mythe et de légendes, parfois même hanté. L'un des marins évoquait sa rencontre avec un légendaire serpent qui était si grand qu'il aurait cru que sa mâchoire était l'entrée d'une grotte. Un autre parlait d'une gigantesque baleine qui se jetait sur les navires dans le but de les faire couler. Immanquablement, le légendaire Île aux Murmure arrivait sur la table. Sa jungle mystérieuse et impénétrable, son emplacement toujours changeant, la créature qui hante sa canopée... Résumer les histoires sur cette île semble impossible.

Des hommes arrivèrent dans la pièce, une lanterne à la main.

"C'est finis pour nous, qui prend le tour de garde ?
- Je crois que c'est Mikasa et Mage Zärfell." Répondit l'un des hommes. Le marin ne posa pas de question et donna la lanterne aux désignés.

"Bonne chance. Venez chercher la relève dans trois heures. Nous, on va se coucher."

Il ne vous reste plus qu'à rejoindre le pont et commencer votre tour de garde la nuit.

Comme au début de la nuit, la mer est calme et les vents sont favorables. Les voiles sont légèrement gonflées, mais peu sont totalement déployées, pour éviter une course incontrôlable. Comme aucun nuage ne couvrait le ciel, on pouvait voir la lune de tout son éclat, haut dans le ciel. Sa lumière blanche et douce éclairait les alentours et permettait de voir venir un potentiel danger. On pouvait voir, à quelques mètres à l'horizon, d'autres points rouges et oranges. Les soldats de garde sur les autres navires devaient aussi s'arrêter à l'occasion pour profiter du calme de la mer pendant la nuit. Si on tendait l'oreille, on pouvait entendre au loin le son calme des vagues. Il n'y avait que l'océan à perte de vue. Pas la moindre terre.

Le marin sur la vigie aperçut les deux nouveaux corvées de gardes et leur fit un signe amical de la main, avant de reprendre son travail. Il baillât de manière peu gracieuse. À l'arrière, on pouvait entendre le gouvernail qui luttait parfois contre le courant pour permettre au navire de maintenir une course droite.

~ Après avoir envoûté l'esprit des marins avec son histoire de duel, ce fut au tour de Mikasa de les happer en racontant sa folle et courageuse entreprise. Zärfell écouta en observant ses mimiques. Il sourit face à sa mise en scène, aussi amusé que captivé. Il adorait écouter les récits des autres et elle avait réellement vécu quelque chose de peu ordinaire. Il fallait du courage pour s'en prendre à tant d'hommes-lézards d'un coup et beaucoup de sang-froid aussi. De plus, aider des gens dans le besoin était toujours louable. Harmattan se laissait bercer par les caresses du magicien sur sa tête au poil soyeux. Le jeune homme écouta chaque aventure rapportée avec beaucoup d'attention, s'imaginant les scènes de terreur et de combat auxquels chacun avait dû faire face. Cette expédition semblait bien regroupé des hommes et des femmes habitués à l'agitation et aux situations tendues. Soudain, on rentra dans la pièce. C'était donc à son tour de monter la garde. Le jeune homme se leva alors, accompagnant son départ de son sourire amical et chaleureux. Le chien releva une oreille en voyant l'autre animal bizarroïde du bateau sortir et il décida de la suivre. De plus, il avait envie de prendre l'air, ça commençait à puer des pieds ici...

Une fois dehors, le trentenaire apprécia l'air marin qui venait effleurer sa peau. Qu'on était bien dehors, sous la lueur pâle et rassurante de la Lune ! Il ferma quelques secondes les yeux pour se laisser transporter par le bruit des vagues, qui roulaient dans son âme comme les paroles d'une chanson fredonnée. Puis, tout en marchant, il admira le ciel dégageait. Les étoiles brillaient, mystérieuses et lointaines, dans les hauteurs du ciel. Il salua la vigie avant de se mettre à son poste de garde, son bâton d'alchimie en main. Sa cape ondulait parfois sous l'effet du vent. Il scruta l'horizon une première fois, avec attention, comme pour s'assurer que rien de dangereux n'approchait. Sa magie, pour l'instant, ne lui indiquait rien de nouveau ou d'inquiétant, seulement les signatures magiques des autres Mages et créatures magiques dans les parages. Le père de famille se tourna alors vers Mikasa :

- Je t'ai vu taillé des flèches tout à l'heure, c'est donc le travail qu'on t'a attribué ? Moi, on m'a mis aux voiles et à la surveillance de la météo pour l'instant.

L'écoutant peut-être répondre, il poursuivit alors, pour en savoir plus sur elle :

- Tu as exercé combien de temps l'art de la forge auprès de votre père ? Au fait, cherches-tu à forger l'arme "parfaite", ou quelque chose comme ça ?

Il se demandait aussi si cette femme avait réussi à trouver ses "parents", néanmoins, le Sylphe ne préférait pas aborder le sujet tout de suite. En pensant à cela, il songea aussi à ses parents, qu'il avait prévenu quelques temps plus tôt de son départ. Maintenant que son frère avait repris les rennes des Grand'Mages, en compagnie d'autres personnes, les tensions s'étaient apaisées et il avait pu retourner là-bas. Son père avait l'air de moins lui en vouloir, cependant, ils ne s'étaient parlés qu'en coup de vent. Vlaross, son paternel, avait quand même fini par venir se présenter à sa belle-fille et sa famille quand Zärfell lui avait annoncé qu'il allait devenir père. Celui-ci l'avait alors fixé de longues minutes. C'était peut-être là qu'il avait compris qu'on ne pouvait pas rester fâché toute sa vie avec les siens, même si on les avait longuement traqué et qu'on avait voulu les voir mort pour laver l'honneur. Dès que ses petits-enfants étaient nés, il n'avait pas attendu une minute pour venir les voir et leur offrir quelques cadeaux. Ce n'était pas le grand amour entre eux deux, néanmoins, cela allait, dira-t-on.

Le jeune homme songea alors à sa femme et ses enfants qui devaient peut-être dormir... Il les imagina dans la grande maison d'Akane, sa fille courant partout, refusant d'aller se coucher, et son fils la regardant faire avec son doudou à la main, se demandant comment sa sœur faisait pour avoir tout le temps autant d'énergie. Et puis, il y avait Akane, qui regardait sa fille prête à lui dire que, maintenant, il fallait dormir pour continuer de faire des cabrioles le lendemain. Le Vétéran aurait bien laissé Harmattan veiller sur eux, mais la rinoral l'avait regardé d'un air de dire que, cette fois-ci, elle voulait venir avec lui. Après tout, elle n'oubliait pas que des années auparavant, c'était la mère de Zärfell qui lui avait dit de veiller sur son fils aîné. Puis, le jeune homme revint sur la situation présente... Il avait bien envie d'en savoir plus sur Mikasa.

Elle rangeait sa dernière flèche, mois intéressée par les élucubrations de quelques marins quand la porte coulissante s'ouvrait sur deux marins. C'était au tour de Zärfell et le sien de veiller sur le navire. Quelle coïncidence. Elle posait son matériel de forgeron près de son hamac et s'emparait de son katana, puis suivait le jeune homme jusque dehors. Au passage, elle saisissait la lanterne de papier suspendue au bout d'un long bâton. Puis elle arrivait dehors et prit le temps de respirer l'air marin. Il était bien trop salé, avec des nuances visqueuses de poisson à son goût. Mais l'air libre sentait toujours mieux qu'une cinquantaine d'hommes suant accumulés les uns sur les autres. On pourrait croire qu'elle était habituée, avec son expérience de l'armée. La différence est que les tentes sont aérées, en extérieurs, et n'abritent qu'une douzaine d'hommes. Tout le contraire d'un navire en pleine mer en somme. Elle saluait la vigie en lui renvoyant son signe de main, puis se mettait à marcher, la lanterne bien tendu devant elle. Elle faisait le tour du navire avec son comparse et se demandait en combien de temps elle finirait par le connaître par cœur. En même temps qu'elle marchait et surveiller les alentours, elle entamait la discussion avec Zärfell.

"On attribue souvent le rôle de la météo aux Mages du Vent. Dans la Marine Impériale ils sont les Mages Anti-Météo. Quant à moi, je fais un peu de tout qui touche à l'armement. Je suppose que si demain nous devons nous battre, je devrais vérifier l'équipement de chacun après la bataille."

La question sur son père lui fit marquer une pause. Elle prit le temps de réfléchir, ne sachant pas réellement quoi répondre à cette question. De par leur nature, les Espers échappent un peu aux règles du temps.

"Depuis toute petite, je suppose ? Je peux te paraître vieille, mais à votre échelle humaine, je n'ai que onze ans. J'ai commencé la forge en qualité d'apprentie avant de devenir réellement sa fille. Puis à sa mort, j'ai rejoins l'armée et fais mon service obligatoire de deux ans. Après quoi je suis retourné à mon village, ai forgé pendant deux autres années, et commençait mon voyage de forgeron errant. On peut dire que ça fais onze ans que je pratique la forge. Quant à la question de forger l'arme parfaite, quel artiste ne souhaite pas réaliser un jour ce qu'il considéra comme sa plus belle création ? Je suis une artiste avant d'être un forgeron. Le marteau et l'enclume sont mes outils, mes lames mes créations. Je souhaite découvrir le monde et transmettre par la même l'art et la connaissance de mon père, qui est mort dans l'anonymat. Ce katana que je porte est sa dernière création. Il me l'a cédé sur son lit de mort et je me suis promise d'en faire un meilleur, comme il me l'avait demandé. C'est comme une base pour mon futur travail.

Elle fit une pause. Elle avait beaucoup parlé en peu de temps, et s'apercevait qu'être lancé dans l'art de la forge était un moyen de la contenir pendant des heures. Elle remarqua du coin de l’œil le regard curieux du jeune homme envers elle. Elle se tourna pour croiser son regard et lui sourire de manière amusée.

"Je connais ce genre de regard, Zärfell. Je suis la première Esper que tu rencontres ?"

Beaucoup de gens l'observait de cette manière quand ils connaissaient sa nature. C'était l'un des deux regards auxquels les Espers avaient droit. Le deuxième, elle espérait ne jamais avoir à le croiser un jour.

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Les navires continuaient à voguer doucement sur l'eau, doucement bercé par le rythme calme des vagues. Du haut de son mât, la vigie observait attentif le moindre signe d'activité sur les mers. La nuit était propice à de nombreux dangers, encore plus sur les flots que sur terre. Les monstres marins hantent les profondeurs de l'Océan de Yami et les pirates profitent de l'obscurité pour frapper sans se faire voir. Le marin lâchait un nouveau bâillement tandis que ses collègues sur le pont circulaient dans une ronde monotone. Rien à l'horizon, pas plus dans le ciel que sur la mer.

C'est alors que le second navire, celui après le navire de tête, sembla s'arrêter net, comme s'il avait heurtait quelque chose. Les autres navires s'appliquèrent immédiatement à ralentir et éviter la collision, qui pourrait être fatale. L'agitation gagna rapidement les bâtiments, et les marins sortirent de leurs quartiers. Les gardes du derniers navires aperçurent les vagues s'agitaient sous la force d'une présence colossal sous les eaux. Rapidement, on entendait les gongs d'alarmes résonnaient dans les airs. Vous-même actionnez ces derniers. Puis finalement, une vague beaucoup plus grosse que les autres dévoila ce qui ressemblait à une gigantesque coquille. Le cri d'alerte résonna à travers tous les bateaux.

"KRAKEN !!!"

La vague passa sous le troisième navire, le vôtre, et le secoua en tous sens. Les marins de l'Empire s'agitèrent en tout sens pendant que toutes les lanternes étaient allumées pour permettre d'y voir le plus possible. L'organisation exemplaire de l'Empire, malgré la panique, se mit en place. Des hommes grimpaient sur le pont avec les tonneaux de flèches, pendant que d'autres se situaient sur les entrées des quartiers, un paquet d'arc à leurs côtés. Chaque marins qui sortaient s'emparer d'un arc et se plaçait à côté d'un tonneau de munitions, deux pour chaque.

Le Vice-Capitaine Kenshin débarqua, son katana sortit de son fourreau et s'époumona à hurler ses odres.

"Tous les marins sur le qui-vive, tirer à vue ! Les combattants, dégainez vos épées et faîtes moi des sushis de la moindre tentacule qui oserait se poser sur ce navire ! Je veux un support des Mages sans discontinu ! Empêchez ce monstre d'abîmer la coque !"

Un cri résonna alors qu'une gigantesque tentacule jaillissait des flots dans des gerbes d'eaux impressionnantes. Le membre dégoûtant s’abattit sur les flots et rata sa cible. Fort heureusement, tout aussi colossal qu'ils étaient, les krakens étaient des créatures lentes d'esprit, et il leur fallait souvent du temps pour que tout leurs membres se synchronisent et ne coulent un navire. Mais quand cela arrivait... Il n'y avait plus beaucoup d'espoir. Les flèches commençaient déjà à siffler dans les airs. Beaucoup rater leurs cibles, certaines rebondissaient sur la carapace de l'animal, d'autres se plantaient dans sa chair ferme, sans effet. On entendait rapidement le bruit d'une flûte résonner dans les airs, et le ciel si calme se recouvrait maintenant d'imposants nuages noirs où résonnait la foudre.

"Zärfell, je sais que tu peux m'entendre." La voix résonnait dans les notes à travers la magie jusqu'aux oreilles du jeune homme. "Il faut achever ce monstre rapidement avant qu'il ne mette en danger la flotte. Je ne peux pas le voir, mais toi tu peux, il est de ton côté. Je vais te donner un coup de main. J'attends ton signal pour t'aider à l'abattre en un coup."

La Musicienne amplifiait le son de sa flûte, faisant gronder le ciel comme si une tempête allait s'abattre sur la flotte. C'était plus ou moins ce qui attendait le monstre.

~ Zärfell regarda Mikasa dans les yeux pendant qu'elle raconte son histoire. Elle était donc en effet bien plus jeune que lui. Il sourit quand elle termina son récit, touché par ses derniers mots et cette promesse qu'elle avait faite à son maître mourant. Il était aussi touché par la vision artistique de son activité. Puis, sa question le surprit un peu. Le jeune homme, tout en effectuant sa ronde et en jetant des coups d'œil aux alentours, répondit :

- Non, tu n'es pas la première que je rencontre. J'en ai vu quelques-uns durant mes voyages. Cependant, en effet, n'en ayant pas beaucoup rencontré, j'aime bien savoir vos histoires. Disons aussi que ce n'est pas tous les jours qu'on en rencontre.

Il s'apprêtait à poursuivre quand il sentit le bateau ralentir. Le Sylphe leva aussitôt les yeux et se concentra sur les événements en cours. La plupart des navires freinaient eux aussi. Le chien militaire se mit à grogner et aboyer en sourdine. Harmattan rabattit les oreilles en arrière. Les animaux et leur sixième sens avaient senti le danger avant les bipèdes, c'était certain ! Zärfell crut percevoir quelque chose au loin quand, d'un coup, on hurla au kraken. Les marins surgirent sans attendre de leur sommeil. Soudain, une vague vint agiter le vaisseau pour de bon. Le trentenaire se tint fermement sur ses jambes, s'équilibrant comme il le pouvait pour ne pas tomber. On sonna l'alarme ! Les pieds foulèrent activement le plancher du navire ! Le magicien se mit aussitôt sur le qui-vive comme l'ordonnait Kenshin, tenant fermement son bâton d'alchimie. Zärfell prit un peu de hauteur, laissant les archers et les épéistes défendre comme ils le pouvaient. Le jeune homme perçut aussitôt la magie des autres Mages se mettre en branle. Lui-même faisait de même.

Le Vétéran sentit aussitôt l'orage magique dans le ciel. Il pouvait percevoir le vent et la foudre grondant, tout cela l'appelant comme une mouche attirait par la lumière. Ce fut alors qu'il entendit clairement la voix de la Mage Arc-en-ciel dans sa tête. Ils allaient pouvoir combiner leur force pour abattre la créature aussi soudainement qu'elle était apparue. S'ils réussissaient leur coup, Zärfell ne donnait pas long feu de ce kraken. Néanmoins, il fallait toujours rester vigilant. Très bien, Shoukaku, je te dis ça, répondit-il grâce au vent.

Le jeune homme bondit sur l'extrémité du bateau et scruta l'horizon pour voir quand est-ce que cette créature allait se décider à remontrer son bout de nez. Sa magie était au maximum de ses capacités. S'il touchait l'animal, il en ferait du kraken grillé sans problème. Il se concentra, plissant légèrement les yeux. Il chargea sa magie.

Zärfell Eriawyn a effectué 10 lancé(s) d'un D6 :: 1 , 2 , 6 , 5 , 6 , 4 , 3 , 3 , 4 , 1

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Grâce à sa magie d'eau, il perçut le début d'une ondée subaquatique. C'était maintenant... Il leva son bâton en direction du ciel. L'orage tonna en lui et il appela la foudre. Il devait maîtriser à la perfection son sort s'il voulait tuer cet animal sur le coup et éviter en même temps que la foudre ne dégage un trop grand souffle d'explosion qui pourrait faire tomber les personnes aux alentours. Il redoubla de concentration... Puis, la bête apparue. Maintenant, Shoukaku ! Zärfell abaissa énergiquement son bras armé. Dans le ciel, il eut cet éclat blanc cristal très légèrement violet. L'air fut déchiré durant un très court instant. On vit d'abord le zébra de lumière fondre sur le kraken. Puis, après l'éclair vint le tonnerre qui rugit de sa force. Une seule foudre, mais à la puissance redoutable. Un concentré de magie pure, sobre, efficace, sans fioriture, mais suffisamment impressionnant pour faire comprendre à quiconque de quoi était capable la fusion magique de deux Mages expérimentés.

Mikasa ne savait pas pourquoi, mais elle était comme soulagée quand Zärfell lui affirmait qu'elle n'était pas la première Esper qu'il rencontrait. Les Mages sont les seuls personnes sur Pandore à pouvoir reconnaître un Esper, tant est si bien qu'ils passent inaperçus la plupart du temps. Peut-être savoir que quelqu'un de bien pouvait distinguer les "siens" la rassurait ? Quoi qu'il en soit, elle éprouvait dorénavant des regrets au sujet de ses méfiances envers le jeune homme à leur première rencontre. Plus elle y pensait, et moins elle faisait attention aux alentours.

"Zärfell, je voulais t'adresser mes..."

Elle se retrouva coupé net dans ses excuses quand le navire s'arrêta subitement à la suite du navire devant lui. L'Esper grippa fermement la rambarde pour ne pas chuter sur le pont ou dans l'eau, puis reprit ses esprits. Elle se concentra alors aussi subitement que les navires s'étaient arrêtés, prise d'un instinct martial qui était en elle bien avant son entrée dans l'armée. Elle regarda par dessus bord et aperçut la vague colossal et la silhouette qui la formait se glisser vers la flotte. Sans attendre, elle courut en direction du gong d'alarme et le fit retentir avec autant de forces que possible. L'agitation gagna rapidement le navire et elle s'adonna, avec ses camarades épéistes, à la distribution des arcs. La silhouette du Kraken jaillit hors de l'eau. Elle observait pour la première cette grande créature qui hantait les eaux de l'Océan de Yami. Pas le temps de se concentrer sur la nature de ce monstre cependant. Kenshin la dépassa et une fois qu'elle donnait le dernier arc disponible, elle dégaina elle aussi son katana et s'approcha de son officier, prête à exécuter ses ordres à la moindre occasion. Elle observait le ciel devenir orage aussi soudainement que l'attaque de leur adversaire. Il y avait de la magie là dedans, cela ne laissait aucun doute. Elle avait par ailleurs perdu Zärfell de vue.

Concentrée sur ce spectacle aérien, elle finit néanmoins par noter la présence de tentacules moins imposantes que les autres, mais toute aussi dangereuses, se glissaient lentement sur le pont. Il était certain que la créature cherchait, avant de couleur le navire, à happer les jambes de quelques marins. Elle n'avait évidemment aucune intention de laisser cela arrivé. Avec les autres épéistes, elle bondit à l'assaut et frappa avec précisions les membres gluants.

Mikasa a effectué 3 lancé(s) d'un D6 :: 2 , 4 , 4

Kraken -10 P.Vs

La texture des ragoûtants tentacules, enduit d'eau et d'une sorte de muqueuse, était incroyablement plus solide que ce à quoi elle s'attendait. Cela dit, elle réussit à les faire partir comme des serpents fuyants le feu. De grandes lampées de sang noir se mettaient à recouvrir le pont, glissant des entailles qu'elle et ses camarades avaient taillés dans la chair du monstre. C'est alors qu'elle entendit un bruit assourdissant, suivit d'une lumière tellement violente qu'elle dût se couvrir les yeux. Elle attendit un moment, le temps de réaliser qu'elle n'était devenue ni aveugle, ni sourde, pour retourner au combat et regardé le lieu de l'impact de la foudre, en plein sur le Kraken. Mikasa était bouche bée devant un tel déchaînement de violence magique. Elle ne savait pas qui en était la cause. Mais à n'en pas douter, elle en avait peur.

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Sur le pont du navire de tête, Shoukakou était concentrée sur la signature magique de Zärfell, jouant de la flûte toujours plus fort et toujours plus harmonieusement avec le ciel et le tonnerre grimpant en puissance. D'un autre côté, elle observait avec attention l'évolution de la bataille, et priait la Divinité pour qu'aucun marins ne soit blessé dans l'affrontement. À ce sujet, elle faisait parfaitement confiance à Riku pour surveiller les flots. Le Mage de l'Eau était quelque peu asociale, mais il avait un bon cœur, cela elle en était sûre. Elle entendit le signal de Zärfell résonnait dans la magie. C'est là qu'elle fit taire la dernière note de sa musique, projetant une quantité pure et non-négligeable de magie haut dans le ciel, ce qui écarta les nuages sur son passage. Cela temporairement, car le sort combiné des deux Mages de Vent s’abattit sur le Kraken comme un châtiment divin que Pandore n'avait que rarement connu. Sur le point d'impact, une marque noire et fumante, témoignage d'une violence rare et d'une chaleur inssuportable. Du monstre, il ne restait plus qu'un cadavre flasque, dont la partie immergée tomba dans l'océan tel un roc. Le corps remonta à la surface sans vie, et les marins levèrent leurs armes au ciel en poussant un grand cri de victoire, accompagné d'hourrah soulagés.

"Bien joué Zärfell."

Chanta la flûte de Shoukakou, avant que l'enfant ne descende de son perchoir. Sur le navire, Kenshin applaudissait ses hommes.

"Félicitations soldats ! Voilà une performance qui me rend fier de commander des hommes tels que vous !
- Bravo soldats." Kenshin regarda par dessus son épaule.
- Rassemblement ! Le Capitaine est sur le pont !"

Tout le monde s'exécuta sans poser de question pendant que l'Officier arrivait, la main sur le sabre. Il jugea ses hommes, un sourire discret, mais fier sur son visage.

"Mais ne vous reposez pas sur vos lauriers. Ce n'est que le début de notre navigation, les Jeunes Terres sont encore loin. Restons vigilants et la Divinité nous mèneras envers ce nouveau continent. Vice-Capitaine." Il se pencha vers Kenshin. "Comptez les hommes, assurons-nous de n'avoir aucune pertes.
- À vos ordre Capitaine."

Puis l'homme s'en alla aussi simplement qu'il était venu. Kenshin s'obéit en ordonnant le compte des marins. Au bout du compte, la chance était bien du côté de la flotte, car aucune perte, du moins sur ce navire, n'était à déplorée. Le calme revint rapidement et Kenshin ordonna à Zärfell et Mikasa de reprendre leur ronde de garde. Ils devraient pouvoir se reposer plutôt rapidement après un tel combat.

Zärfell + 3 X.P
Mikasa +3 X.P

~ Le magicien observa l'impact du sort combiné. Une belle et grande trace noire et fumante. Juste après, la bête commença à sombrer dans les profondeurs de l'océan. Cela allait faire un sacré festin pour les habitants des limbes de Yami. Il remercia Shoukaku pour son aide et leur collaboration. Le jeune homme était content de pouvoir combiner sa puissance avec celle d'une autre Mage de Vent, car ce n'était pas tous les jours qu'il pouvait faire ça. En tout cas, c'était une bonne chose de faite ! Cependant, il avait aussi eu la chance que l'animal ne soit pas plus puissant, voire doter de pouvoirs magiques. La tournure du combat en aurait été tout autre.

Il descendit de la rembarre où il s'était perché pour mieux voir l'animal et avança pour participer au rassemblement. Le père de famille eut le temps de voir les traces de sang laissées par le kraken... Heureusement que le combat n'avait pas duré plus longtemps, en effet. Sans rien dire, le jeune homme assista aux félicitations bien mérités de l'Officier et de Kenshin avant de se préparer à reprendre son tour de garde. Il balaya les soldats du regard comme pour s'assurer qu'aucun et aucune n'avait été blessé, auquel cas, il aurait utilisé sa magie pour les soigner. Apparemment, rien à signaler. Ces marins et aventuriers-là n'avaient décidément peur de rien ! Les nuages se dissipaient peu à peu pour offrir de nouveau la clarté de la nuit. Il revint auprès de Mikasa :

- Ça va, rien de cassé ? Ces tentacules avaient l'air horrible...

Dit-il en zyeutant les restes gluants de l'animal sur le pont. Le jeune homme avait eu la chance d'échapper aux bras dégoutants de l'animal.

- Au fait, merci d'avoir sonné l'alerte. Tout le monde a été très efficace. Je suis sûr qu'on sera faire face à pire si on garde cette efficacité de réaction.

Il sourit. Il était certain que le potentiel de chacun allait être sollicité plus rapidement qu'il ne le pensait. Cela l'effrayait autant que cela le stimulait. Le trentenaire prit le temps d'inspecter les alentours. Pas de menace à l'horizon, mais qui savait ce qui pouvait surgir de la mer, comme du ciel... Cette attaque l'avait remobilisé et il était désormais davantage sur le qui-vive. Les bateaux reprirent leur progression. Zärfell se demanda alors quand est-ce que ces Jeunes Terres se montreraient enfin. Sûrement pas avant de longs jours de voyage.

Mikasa, comme le reste de ses camarades, acclamait la victoire sur le Kraken. Maintenant elle était sûre d'une chose, et c'était qu'avec de tels personnages, le voyage jusqu'aux Jeunes Terres allait être plutôt tranquille. Elle s'adonnait à nettoyer le pont du sang noirâtre de la créature quand l'ordre du rassemblement était demandé. Sans attendre, elle se mettait bien droite auprès de Ryoujô. Voilà qui lui rappelait de nombreux souvenirs. Le Capitaine observait chacun des membres du navire avec une certaine fierté dans le regard. Elle, elle ne prenait pas trop les louanges à cœur, elle n'avait rien fait pour mériter cela. Le temps de quelques encouragements supplémentaires, de nouveaux ordres, et Mikasa reprenait la garde avec Zärfell. C'était soudainement comme si rien ne s'était passé, comme s'ils avaient interrompus leur ronde pour une petite halte afin d'admirer l'océan. Même si le spectacle n'était pas très intéressant. Un Kraken flottant mort au milieu de l'Océan de Yami allait rapidement attirer les requins, monstres charognards ou autres mystérieuses créatures des profondeurs.

Elle jetait un œil aux alentours quand Zärfell lui adressa la parole. L'Esper haussait les épaules sans perdre le rythme de sa ronde, la lanterne toujours bien tendue devant elle au bout de son bâton.

"Non, par chance, je n'ai pas eu à subir les tentatives d’enlèvement de ce monstre. Quant à l'alarme, j'ai simplement été plus rapide que vous. C'est notre travail quand on est de garde." Puis elle sourit à sa remarque sur le travail d'équipe. Elle hocha la tête.

"Oui, c'est avec le travail d'équipe que nous pourrons affronter toutes les situations. Chacun d'entre nous possède ses forces et ses qualités qui nous permettrons de venir à bout de tout ce que nous offrira les Jeunes Terres.

Le reste de la garde se déroula sans une seule accroche. Ryoujô vint chercher les deux veilleurs, qui avaient sûrement perdus le cours du temps en faisant le tour du navire. Mikasa, non contente de pouvoir se reposer, adressait une dernière accolade amicale à son ancien camarade pour la nuit, puis gagna les quartiers de l'équipage. Les hommes dormaient soit torse nu soit dans le plus simple appareil. L'Esper s'approcha du premier hamac vide qu'elle trouvait et s'y mit tout habillée. Rapidement, le craquement du bois et le bercement des vagues se chargea de l'endormir. Elle fermait les yeux paisiblement.

Le lendemain matin, les cris puissants de Kenshin la sortir d'une torpeur à peine reposante. Elle ne savait pas combien de temps elle avait dormit, mais ce dont elle était sûre, c'est qu'elle avait mieux dormit que ce à quoi elle s'attendait. La demoiselle bondit de son hamac et se dirigea vers le pont. Sur celui-ci, tout l'équipage entamait une nouvelle journée. Certains raclaient le pont, d'autres prenaient un bain à l'aide de seau et d'un savon gras et sommaire. Les plus courageux ou habile pêchaient, assis à même la rambarde du bateau. Le vent était toujours favorable et souleva les cheveux de l'Esper qui s'assura que son nœud ne tienne bon.

"Mikasa ! Tu tombes bien ! Le capitaine a donné son accord pour que tu retapes un peu ce navire ! Va voir le maître charpentier et voit avec lui ce que tu peux faire ! Tu devrais le trouver sur la proue.
- À vos ordres !"

Elle s'exécuta, sans demander son reste ni son petit-déjeuner. Manger était parfois un luxe dans ce genre d'organisation. Elle avançait jusqu'à la proue et chercha un moment le maître-charpentier avant de l'appeler de vive voix. Un homme aux larges épaules, plusieurs outillages à ses pieds, se tournait alors vers elle. Il avait une moustache broussailleuse, à peine taillée. Ses traits usés et fatigué laissaient témoigner d'une longue vie en mer. Il avait le teint bronzé, ce qui était assez rare pour des habitants de l'Empire. Ses grandes maints terminaient des bras musclé à la fonte et au maniement du marteau. Il cracha les grands clous qu'il avait en bouche pour articuler normalement des propos transportés par une voix rocailleuse et solide.

"C'est toi la petite protégée de Kenshin ? Tu tombes bien, amènes toi. On a du pain sur la planche.
- Un problème avec la ferraillerie ?
- Y'a pas que les monstres qui peuvent abîmer un navire, y'a aussi la houle. Il faut changer toutes les plaques intérieure du navire, certaines sont rouillées, d'autres carrément à jeter. On a à peine entamer le voyage et on risque déjà d'avoir des trous à la moindre tempête."

Mikasa se pencha sur les clous et les plaques de métal dont parler l'homme aigri. Elle avait immédiatement son œil analytique et sa concentration qui la rendait muette comme une carpe. Le maître-charpentier le remarqua et reconnut là immédiatement le comportement d'un expert. Il lui accorda cinq minutes, avant de briser son silence.

"T'es forgeron m'a dit Kenshin ? Mes clous et mes plaques t'intéressent ?
- Avec votre respect monsieur, je ne pense pas que toutes ces plaques soit bonne à jeter. Avec le temps adéquat, je peux en sauver plusieurs.
- Tu peux faire ça ?
- Oui monsieur.
- Bah alors qu'est-ce que tu attends ? Mets-toi au travail."

Mikasa hocha la tête avant de courir chercher son équipement et revint devant le maître-charpentier. Elle organisa sa petite forge, improvisant une enclume et un petit fourneau avec ce qu'elle trouvait sous la main. Sa source de chaleur était une pierre de feu qu'elle cala fermement dans un moule en acier. Elle se mit immédiatement au travail, demandant de voir chaque plaques que le maître-charpentier retirait du navire, et remettait ensuite en place sous ses instructions. Mikasa ne savait pas combien de temps elle travaillait. Mais ce qui était sûr, c'était qu'elle ne voyait pas le temps passer quand le gong sonna le repas de l'équipage. Le maître-charpentier, penchait sur son travail, ne regardait même pas par dessus son épaule pour lui dire qu'elle pouvait y aller. Essuyant son front en sueur sous la chaleur de son équipement et du navire, elle protesta qu'il l'accompagne également. Mais l'homme refusait en bloc ses invitations. Alors Mikasa abandonna et jura de revenir vite. Sa seule réponse fut une main agitée dans sa direction. L'Esper soupira et rejoignit le pont.

Une grande table, improvisée, évidemment, avait été installée. Déjà, des marins chantaient et dansaient sur le pont tout neuf, comme un repas lors d'une fête champêtre. Il ne fallait pas être regardant sur la qualité de la nourriture, cela dit. Du pain déjà sec, des fruits secs, du citron vert et pour les plus chanceux, du poisson pêché de ce matin, voilà tout ce qu'ils allaient avoir le droit de manger jusqu'aux Jeunes Terres. Les pommes de terres et autres graines, embarqués pour des raisons d'agricultures, n'allaient être consommé qu'en cas d'ultime recours. Autrement dit, quand les réserves seront vides. Mikasa attrapa au vol un chignon de pain que lui envoyait Ryoujô, puis s'assit à ses côtés. Elle mordit dans la nourriture à pleine dent et chercha Zärfell du regard. Il n'allait certainement avoir aucun problème à la trouver.

~ Après avoir écouté les réponses de Mikasa, il poursuivit sa ronde à ses côtés avec silence et attention. Il serait bien rester dehors toute la nuit, à vrai dire, car il préférait de loin l'air libre et la fraîcheur nocturne à l'espace clôt, à l'odeur de sueur, du dortoir. Harmattan aussi d'ailleurs, elle qui avait suivi Zärfell comme son ombre tout le long du court combat contre le kraken. On dut venir les chercher pour qu'ils aillent ensuite dormir. En pénétrant dans la salle des hamacs, le jeune homme vit l'Esper partir aussitôt se coucher. Lui, comme souvent, il n'avait pas si sommeil que ça. Il s'efforça de trouver un hamac libre plutôt près de la sortie, pour qu'Harmattan ne soit pas trop loin de l'air frais, qui circulait néanmoins difficilement, et il s'allongea dans un hamac au ras du sol. Il retira quelques couches d'épaisseur, notamment sa cape et ses chaussures, mais il conserva comme à son habitude son bâton auprès de lui. Il diminua au maximum la lumière de la pierre philosophale avant de la faire disparaître dans un tissu pour ne gêner personne. Harmattan, il le sentit, s'était déjà endormie tout près de lui, par terre.

Lui, il resta plusieurs minutes les yeux ouverts, à attendre que la mer et les grincements du bateau l'endorment. Mais le Sylphe ne parvenait pas à trouver le repos. Il pensa à sa femme et ses enfants, aux Voyageurs, à ses amis vivant partout dans Pandore, et d'un coup, quelque chose qu'il avait rarement ressenti surgit dans son cœur : la nostalgie. Celle de ne pas être avec ceux et celles qu'il aimait. Et, en même temps, cette étrange sensation se mêla à son incommensurable excitation et envie de voyage. C'était deux sentiments opposés qui vivaient en même temps dans son cœur. Enfin, il réussit à fermer les yeux. Dans l'immensité des liens invisibles qu'il avait pu tissé, il chercha celui qui le reliait à son Guide. Le jeune homme entendit la respiration, lente, profonde, du dragon. Une respiration bien plus lente que celle des humains. Alors, il écouta le dragon respirer. Ce fut cela qui finit par, en un sens le rassurer, et surtout l'endormir.

Il fut réveiller aux aurores par la bonne vieille habitude qu'il avait de se lever tôt. Zärfell n'était ni fatigué, ni débordant d'énergie. Il était juste suffisamment reposé pour attaquer une nouvelle journée en mer. Le trentenaire sourit et se leva pour se rhabiller. Les voix des marins s'entendaient déjà et certains semblaient être debout depuis avant même le levé du jour. Au moment où le jeune homme sortit, le jour poignait à l'horizon. Il vit brièvement Mikasa qui partait, apparemment, exécuter un ordre donné par Kenshin. Zärfell s'étira et décida d'abord de vérifier la météo. Il avança au centre du navire. Ciel dégagé, vent favorable, pas de cumulus à l'horizon... La journée s'annonçait bonne. Puis, il vit toute la vie du bateau autour de lui. Que pouvait-il bien faire ? Il hésita à aller voir Kenshin ou l'Officier, mais tous deux étaient occupés avec un groupe d'hommes et de femmes, à donner des ordres çà et là. Alors, il vit les gens racler le pont et d'autres prendre leur bain avec l'eau de mer... Il secoua la tête. Ils vont se gratter toute la journée avec une eau pareil. Et après, la moitié vont avoir des plaques de démangeaison et ça va finir en qui se gratte le plus. Le magicien avança aussitôt en direction des gens qui se lavaient.

- Laissez-moi vous aider.
- Hein ?

Les gens en petit tenue virent Zärfell bazarder l'eau des sceaux par-dessus bord. Certains allaient protester quand ils virent en un claquement de doigt les récipients se remplir d'une eau claire et limpide et surtout... Douce !

- Oh, de l'eau douce les gars !
- Oui, acquiesça Zärfell en souriant. C'est quand même mieux que de l'eau salée désagréable.

Les marins et aventuriers sourirent aussitôt en se faisant circuler les sceaux d'eau douce. Le moral semblait remonter un peu et certains partirent, tout propre, en sifflant, prêts et prêtes à exécuter les ordres avec encore plus d'entrain. Le jeune homme continuait de remplir les sceaux d'une eau douce et pure. Il vit alors un grand homme se gratter la peau. L'Erudit l'observa faire du coin de l'œil avant de remarquer des plaques rouges et granuleuses sur la peau du marin. Zärfell s'approcha de lui.

- Quelque chose vous démange ?
- Ah oui. Enfin, c'est trois fois rien, juste ces trucs-là.

Le Sylphe inspecta cela de plus près, mais le militaire sembla gêner. Il pensa que cet homme était quand même le mari de la Haut-Général, il n'allait pas le laisser regarder ses croûtes dégoûtantes ! Mon dieu, qu'est-ce que les gens allaient penser de lui, après ? Qu'est-ce qu'on allait pas dire sur lui ? "Il a laissé l'époux de la Haut-Général lui laver les pieds", quelque chose dans le même genre ! Pas question ! Ce magicien était déjà en train de remplir les sceaux qu'ils utilisaient pour se laver, il n'allait pas accepter davantage.

- C'est rien, j'vous dis. Laissez, laissez !
- Vous avez ça depuis combien de temps ? poursuivit le magicien avec concentration et sérieux.
- Euh, euh, plusieurs semaines. Après une mission d'escorte de navires commerçants importants de l'Empire. Mais ce n'est rien je vous dit !

Zärfell reconnut aussitôt des croûtes dues à des plaies ouvertes non-traitées et exposées trop longtemps au sel et à des puces, celles qu'on pouvait classiquement trouver dans la vie à l'hygiène limitée des marins. Des puces qui aimaient ronger la peau... En soi, il était face à de la peau en train de s'abîmer, et potentiellement de manière irréversible. Zärfell prit un air très sérieux :

- Ce n'est pas rien, c'est de la peau qui va se gangréner, ça.
- Hein !? Se... Se gangréner ?

Le marin sembla devenir un peu livide. Soudain, le jeune homme se redressa et approcha sa main des croûtes. Ses voisins regardèrent avec curiosité ce qui se passait. Le marin remarqua aussitôt cela et eut un mouvement de recule, quand soudain, un petit vent qui s'illuminait émana de la main du Mage. Alors, tous observèrent les plaies de leur compagnon disparaître progressivement jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, sinon une nouvelle peau saine et sans croûte. Le marin soigné n'en revint pas et observa son bras en détail.

- Hein, j'ai plus rien ! Plus de démangeaison !

Certains de ses camarades approchèrent et contemplèrent ce résultat parfait. L'une d'eux leva alors les yeux vers Zärfell.

- J'ai mal au poignet depuis un chargement de matériaux lourds que j'ai effectué il y a plusieurs mois. J'ai mal réceptionné plusieurs tonneaux qui allaient tomber et maintenant, à chaque fois que je dois manipuler du poids, tirer sur des cordes, remonter l'ancre, ou tirer à l'arc, ça me fait un mal de chien. Vous pourriez faire quelque chose s'il vous plaît ? demanda la femme qui présenta sa main gauche au jeune homme.
- Bien sûr, laissez-moi voir ça.

Il s'approcha de la femme et attrapa son poignet. Il commença son inspection, demandant si tel mouvement ou tel mouvement la lançait. L'Alchimiste la vit faire de discrètes grimaces, que le jeune homme devinait retenues pour ne pas se montrer trop faible devant ses camarades, à cause de certains mouvements. Zärfell sourit.

- Je vais vous soigner ça.

Il utilisa l'eau sur la peau de la femme ainsi que l'air autour de son poignet, pour réparer les ligaments, les fibres osseuses et musculaires. Une fois l'opération terminée, la militaire tourna son poignet dans tous les sens, puis attrapa un lourd sceau chargé d'eau douce à ras bord. Plus de douleur ! Elle se redressa et étira un large sourire.

- Incroyable, j'ai plus mal ! Vous êtes vraiment fantastique, merci beaucoup !

Le premier militaire soigné se gratta la tête. Cet homme n'était décidément pas ordinaire ! Certains avaient regardé ces scènes de loin, comme intéressés... Une fois les douches terminées, Zärfell lava les sceaux avec minutie et les rangea proprement, quand quelques marins approchèrent. Le jeune homme sourit, car il savait ce qui amenait ces militaires, mais aussi ces aventuriers qui avaient signé pour l'expédition : des douleurs diverses, des croûtes, des plaies non-soignées, des maux de tête, des torticolis. Bref, on avait vu que quelqu'un pouvait les aider et il venait toquer à la porte. Alors, au compte goutte, certains osèrent venir voir le jeune homme qui s'astreignit avec joie et concentration à régler chaque problème. Tout le monde repartait heureux, plein d'énergie, près à redoubler d'effort pour hisser cette voile, astiquer ce pont ou vérifier l'état des cordages. On ne pensait jamais assez à la santé des troupes ! Sa matinée, Zärfell ne la vit pas passer. De temps en temps, le trentenaire faisait une pause dans ces soins, inspecter le ciel, vérifier les vents, l'horizon, puis, une fois l'esprit tranquillisé, il reprenait avec application son travail. Enfin, l'heure du repas sonna. Etrangement, le jeune homme avait bien faim.

Il se leva de sa "caisse de médecin" et partit s'attabler avec les autres. Il attrapa du peau et remplit son verre d'eau douce. Il réussit à avoir un peu de poisson qu'il mit dans son pain avant de trouver Mikasa parmi la foule de marins. Il s'assit à côté d'elle et commença à littéralement dévorer son repas.

- Salut Mikasa, l'heure de casser la croûte.
- Merci encore, Mage Zärfell. J'ai retrouvé un pied de jeune homme de vingt ans grâce à vous !, se réjouit un marin aux cheveux grisonnants.

Le jeune homme sourit :

- Avec plaisir, Kei.

Puis, il se tourna de nouveau vers la jeune femme.

- Je t'ai vu aller vers la proue pour une inspection du navire. Dis-moi qu'il ne va pas s'écrouler tout de suite... A quoi il ressemble ?

Il espérait tout même ne pas entendre dire que la moitié du navire était bon à refaire... Car lui, il en avait vu des articulations à moitié cassées et qui méritaient bien quelques rafistolages !

Savourant, si l'on pouvait appeler ça savourer, son repas de marin, Mikasa se déplaça pour laisser la place à Zärfell de s'asseoir. Sous la table, le chien du navire dégustait sa propre nourriture et n'hésitait pas à manger les restes et miettes de pains qui tombaient. Le poisson n'était pas son truc. Comme elle mâchait son quignon, elle répondit à l'heure du casse-croûte par un simple signe de tête approbateur. Elle avala sa bouchée et répondit à la question quant à l'état du navire.

"Eh bien, je ne suis pas charpentière, mais la ferraillerie du navire est en meilleur état que l'on peut le croire. Nous devrions tenir amplement jusqu'aux Jeunes Terres. Si nous ne sommes pas coulé par des pirates ou un monstre avant."

Certains marins crachèrent par terre à la mention du mot pirate. Une bonne vieille superstition de la Marine Impérial était que prononcé ce mot attirait inévitablement les flibustiers. Cracher par terre était simplement un moyen de se laver la bouche après avoir dit ce mot sale pour la bouche de certains. L'Esper attrapa un verre en bois qui glissait sur la table sous l'effet de la houle. Elle le remplit avec le pichet le plus proche et s'abreuva.

"Je dois forger des clous et des pointes avec les moyens du bords. Si j'étais sur terre, ce serait plus simple, mais ici en pleine mer, je suis plus que limitée. Je dois recycler les pointes de flèches inutilisables. Et toi ? Tu as jouer au docteur toute la matinée à ce que j'ai entendu.
- Tu devrais le consulter Mikasa, il pourrait soigner tes crises de mauvaises humeurs aouch !

Mikasa répliqua à la pique de Ryoujô d'un coup de coude bien placé entre les côtes. Sans le regarder, toujours dans la provocation amicale, elle avala une autre gorgée d'eau. Son camarade se tenait le ventre au point d'impact dans un gémissement.

"Tiens, voilà une consultation offerte pour tes côtes."

Les marins rirent un chœur sous cette réplique bien placée de Mikasa.

Une fois son repas terminé, chacun retournait à son poste et travailler pour entretenir le navire et son équipage. Mikasa rejoignit le maître-charpentier qui avait avancé sur quasiment toute la structure du navire. Elle remarquait, à intervalle régulier, des tas de plaques et de clous qui semblaient l'attendre. Sans perdre de temps, elle retroussait ses manches et se mettait au travail. Il lui fallait rattraper son retard sur le marin expérimenté, ce qui lui demanda une grande quantité d'énergie et de sueur. Mais toujours prête à relever n'importe quel défi et exprimer son talent, elle se trouva être à la hauteur de la tâche. Ce n'était pas sans difficulté cela dit, et son marteau rata sa cible à quelque occasions. Une fois le tour du navire terminait, elle suait encore plus à grosse gouttes qu'à la fin de la matinée. Le maître-charpentier lui tendit un morceau de voilure déchiré. Elle s'en servit pour s'éponger, non sans le remercier.

"Pour une gamine, tu as bien travaillé. Je comprend que Kenshin te fasse confiance.
- On a sauvé le navire d'une catastrophe ?" Demanda-t-elle avec un sourire. L'homme retint à peine un rire.
- Oui, on va survivre. Sauf si une tempête nous prend par surprise. Mais avec La Musicienne, on craint pas grand chose.
- Ce fût un plaisir de travailler à vos côtés monsieur.
- Je m'appelle Xin. On se retrouve demain Shouji. La nuit tombe.
- Vous avez raison Xin. Je vais vous laisser."

Elle rangea tout son matériel et regagna les quartiers de l'équipage. Sur le pont, elle prit le temps d'observait l'horizon. Le soleil couchant, au loin, paraissait disparaître dans les flots, comme aspiré par ces derniers. Quelques nuages zébraient le ciel, et une brise agréable continuait de gonfler les voiles. Elle passa une mèche de cheveux derrière son oreille et rejoignit l'intérieur du navire. Les hommes racontaient encore leurs histoires ou jouer à des jeux de paris. Ils pariaient ce qu'ils avaient sous la main : reste du repas, bijoux ou quelques monnaies. Elle eut à peine le temps de poser son sac près du hamac que Ryoujô l'interpella.

"Tiens Mikasa ! Montre un peu aux gars ce que tu sais faire ! Ton truc avec la dague là !
- Mais c'est pas possible je te dis !
- Qu'est-ce qui n'est pas possible ?" Répondit Mikasa en se présentant à la table, les mains sur les hanches.
- Faire dix allers-retours sans t'empaler la main." Lui précisa son camarade. Mikasa jaugea l'impromptu.
- Et qu'est-ce que je gagne si j'y arrive ?
- Ha ! Une bonne nuit dans mon hamac !" Les marins rirent. Mikasa soupira en levant les yeux au ciel, puis elle pointa le marin.
- Tes trois prochaines rations de poissons si j'y arrive. Une nuit avec toi si j'échoue.
- Paris tenus ! Attention maintenant les jeux sont fait !"

Mikasa s'emparait d'une dague et posa sa main, doigt écartés, juste à côté de celle du marin un peu trop ambitieux avec elle. D'un sourire assuré, elle commença à planter la lame sur la table, progressant du pouce à l'auriculaire, sans s'arrêter. Sa lame se plantait avec précision entre les doigts et accélérait de plus en plus, jusqu'à devenir quasiment indistinguable. Les marins levaient la voix de manière crescendo en même temps que le rythme de l'Esper, qui termina en plantant le couteau juste devant le parieur dans un geste triomphale. Les hommes s'exclamèrent de joie et se moquèrent du perdant, lui rappelant les jeux. L'homme admit sa défaite. Puis ont vint chercher Mikasa et Zärfell pour leur tour de garde une fois de plus. Il fallait croire que le duo avait été désigner pour être ensembles à chacune des gardes. Elle s'empara de la lanterne et s'exécuta.

Une fois sur le pont, après un petit tour, elle se tourna vers son camarade et lui demanda d'une voix songeuse :

"À ton avis Zärfell, à quoi peuvent ressembler ces Jeunes Terres ?"

~ Zärfell fut inconsciemment rassuré par les mots de la jeune Esper. Il n'avait en effet pas envie de finir paumé au milieu de l'océan, même si lui pouvait utiliser sa magie pour se déplacer jusqu'à trouver une terre ferme. Au fond, ce n'était pas si mal de maîtriser l'eau et le vent, pensa-t-il. L'Alchimiste acquiesça pendant que les marins crachaient par terre. Il leva la tête en direction du ciel pour voir son bleu si parfait. Puis, il reporta ses yeux sur Mikasa qui lui expliquait la complexité de son travail. Il acquiesça à nouveau, pensant effectivement que forger sur un navire ne devait pas être une mince affaire. Il comprenait que c'était un travail technique et délicat. Il sourit quand elle mentionna qu'il avait jouer au docteur toute la journée. Il était vrai que ça n'avait pas été la pire des tâches, toutefois, elle n'était pas de tout repos. Certains avaient mal aux pieds, d'autres avaient des démangeaisons en tout genre, d'autres des plaies à moitié pourries, certains avaient des douleurs musculaires, des fractures mal consolidées... En soi, des vertes et des pas mûres à tout bout de champ ! Néanmoins, cela ne le rebutait pas comme travail, au contraire. Il avait ça dans le sang, écouter et soigner les gens. C'était une de ses visions de la magie : son talent curatif. L'Alchimiste rit en voyant Ryoujô se prendre un coup bien mérité après sa taquinerie. Il y avait une sacrée ambiance dans ce groupe de vieilles connaissances, comme lui et ses amis Mages à Gandur.

Pendant ce temps, Harmattan était avec le chien pour profiter des restes des marins. L'heure de la fin du repas sonna un peu trop vite à son goût. Zärfell était en effet plutôt d'humeur à prendre son temps cette après-midi. C'était sûrement l'état paisible du ciel et la petite brise tranquille qui soufflait, tout comme les flots qui ballotaient lentement le vaisseau, qui lui donnaient envie de s'asseoir dans les cordages et de regarder le temps passer. Oui, des fois, entre deux journées à fond la caisse où il se laissait emporter par ses idées, il avait envie de vivre lentement et de ne rien faire.

Le Vétéran inspecta aussitôt la météo. Il ne vit que quelques nuages blancs et il sourit. La Musicienne maintenait un ciel impeccable ! Cela le laissait libre d'aller aider. Il dut à nouveau chercher quoi faire, puisque tout le monde semblait bien trop occupé pour demander à être soigné. Il vit alors un groupe de marins déplier des voiles de secours stockés dans la cale. Ils paraissaient inspecter leur état. Zärfell sourit : voilà un travail qui lui convenait ! Parmi eux, il reconnut le vieux Kei à qui il avait soigner des douleurs du pied. Avec ses yeux experts, il repérait la moindre imperfection sur l'immensité de la voile.

- Encore un trou ici. Et là, la toile devient moins épaisse. Il faut rafistoler tout ça, marins ! C'est délicat, les voiles. A force d'être exposées au vent et au sel, ça s'abîme en permanence. On a jamais fini de les réparer.
- Salut Kei, je peux t'aider ?
- Ah, bien sûr, tu sais coudre ?
- Oui.
- Fantastique ! sourit Kei. Tu rafistoles les humains et tu sais même rafistoler les voiles. Dis donc, tu sais tout faire, toi ! On va finir par te coller partout où il manque du monde, haha ! Aller, prenez vos fils et vos aiguilles. Je veux des toiles comme neuves, marins d'eau douce !
- A vos ordres !

Et les soldats se mirent au travail. Chacun s'assit sur une caisse et commença à recoudre les trous qui avaient été repérés. C'était un travail long et minutieux, qui demandait beaucoup de concentration. Pendant ce temps, d'autres marins et aventuriers lavaient les voiles et essayaient de les traiter contre le sel afin qu'elles tiennent le plus longtemps possible. Zärfell s'appliquait à refermer un trou à l'aider d'un gros carré de tissu épais. A côté de lui, Kei, qui était le plus expérimenté, subordonnait une jeune marin qui semblait encore apprendre le métier. Puis, il la laissa faire, voyant qu'elle se débrouillait. Concentré sur son travail, il demanda au Mage :

- Où est-ce que tu as appris à faire tout ça, dis moi ?
- Je viens d'un village d'artisans et d'agriculteurs. On a l'habitude de faire des travaux manuels. Là-bas, tout le monde sait faire quelque chose de ses dix doigts, de la couture en passant par la sculpture sur bois, creuser des puits, construire des maisons, des meubles, s'occuper des champs, préparer des potions.
- Je vois ! J'avoue que j'aurais jamais imaginé que notre Haut-Général épouse donc un homme du peuple, si je comprends bien... Ça se sent que tu as pas l'éducation des nobles de la haute société de Shoan. Moi, je les ai vu pendant mon service. On était tous logés à la même enseigne, ça s'est bien, pas de fioriture ou de privilégiés, mais... ça se sentait quand même qu'on avait pas mangé dans la même soupe étant petits. En tout cas, dans mon village natal aussi, les travaux manuels sont monnaie courante. J'ai longtemps exercé comme couturier et travailleur du textile. C'est après mon service militaire que j'ai décidé de rentrer dans la Marine Impériale pour m'occuper des voiles.
- Tu sembles expérimenté.
- Et comment, blanc bec, j'ai plus de trente ans de service dans la Marine. Je suis un vieux de la vieille moi ! Cette expédition est peut-être ma dernière alors, je préfère sourire que m'inquiéter de ce qui nous attend, haha !

Le gradé rigola de bon cœur, ses doigts paraissant glisser sur le tissu avec grande dextérité. On pouvait en effet dire qu'il avait de véritables doigts de fée. Son trou ne se voyait même plus.

- Quand je t'ai vu, j'ai tout de suite vu que tu étais un aventurier expérimenté et infatigable.
- Hein ?
- Hehe, dit-il en regardant Zärfell avec ses grands iris gris métallique. Ce genre de chose, ça se lit sur un visage.

Le jeune homme lui sourit en réponse. Le travail se poursuivit toute l'après-midi jusqu'au repas du soir. Zärfell mangea tranquillement son repas, un peu en retrait et en silence, comme s'il avait besoin de réfléchir à quelque chose. Puis, il se joignit à des groupes d'hommes qui jouaient aux cartes et faisaient des paris. Ce genre de jeux était loin d'être sa tasse de thé, alors il se contentait de regarder, de rire et de commenter. Il but quelques coupes de sake aux côtés des autres joueurs et joueuses avant qu'on ne l'interpelle :

- Mage Zärfell, vous êtes bon aux fléchettes ?
- Hum, tout dépend de ta définition de "bon".
- Haha, ne jouez pas sur les mots et venez nous montrer ça !

Il se leva et se joignit volontiers à la partie. Le trentenaire montra sa dextérité à planter les petites pointes dans la cible et le soldat qui l'avait sous-estimé applaudit, devant reconnaître que ce gars-là avait un peu le compas dans l'œil. Puis, le magicien remarqua Mikasa. Il y avait de l'agitation... Il s'approcha du pari qui était en train de se faire. Le Vétéran posa les mains sur les hanches et arqua un petit sourire amusé. Zärfell secoua la tête, amusé, à la proposition de pari de Ryoujô. On ne changeait pas certaines personnes ! Puis, le jeu commença enfin. L'Erudit fut impressionné de la rapidité avec laquelle Mikasa jouait. Zärfell voyait les marins captivaient par le jeu puis leurs éclats de joie face au triomphe de l'Esper. Le magicien rit en voyant Ryoujô tout même admettre sa défaite. C'était de bonne guerre ! Zärfell n'avait jamais été un grand fan de ce genre de jeux, ni de ces ambiances très agitées. Alors, quand on l'appela pour son tour de garde, il ne fut pas mécontent. Encore une fois, il se retrouva avec Mikasa. Harmattan suivit les deux bipèdes sur le pont, en profitant pour se dégourdir les jambes. Il zyeutait l'horizon quand la question de sa camarade le laissa a quia quelques secondes.

- Hum...

Il tourna ses yeux vers l'horizon.

- J'imagine une terre sauvage, semblable à celle où j'ai découvert les étranges créatures reptiliennes. J'imagine de grandes forêts primaires, une végétation dense et des tas de plantes et d'animaux qu'on a encore jamais vus. Je ne me projette pas sur des terres habitées, néanmoins, peut-être qu'il y a des gens qui y vivent... Dans ce cas-là, j'imagine qu'ils ne parlent peut-être pas notre langue et qu'ils ont des coutumes qu'on a encore jamais vues. Après, on part du principe aussi que personne n'a jamais vu ces îles, mais peut-être qu'on se rendra compte que d'autres Pandoriens y étaient arrivés, mais qu'ils n'ont jamais pu ou peut-être n'ont jamais voulu revenir. En tout cas, j'imagine un grand continent peuplé d'arbres gigantesques et de plaines vertes, voilà ce à quoi, selon moi, pourraient ressembler ces Jeunes Terres. Et toi ? Ça ne te fait pas peur, tout ça ?

Il était vrai que lui avait déjà beaucoup voyagé et l'expérience lui avait un peu appris à gérer cette angoisse de l'inconnu. Mais peut-être que c'était différent pour Mikasa. Peut-être que ce premier voyage lointain la projetait vers des terres hostiles et très dangereuses. Il tenta aussi de détendre l'atmosphère avec des choses plus terre à terre :

- Au fait, Ryoujô a l'air d'être un sacré trublion, il a toujours été comme ça j'imagine ?

Arrêtez devant une rambarde, la lanterne posé contre celle-ci, Mikasa s'appuyait pour entendre la réponse de Zärfell. Tout en l'écoutant, elle joignait les mains et observait l'horizon. Le vent marin se promenait tranquillement entre les voiles, les cordages, les mats et les visages. Sa vision des Jeunes Terres devait finalement être celle de beaucoup d'explorateurs sur Pandore. Elle leva les épaules avant de répondre à son tour.

Peur ? Non, pas du tout. Quand j'ai choisit de parcourir Pandore pour transmettre le savoir et l'art de mon père, j'ai abandonné toute notion de peur de l'inconnu. Pour être honnête, je ne connais pas tout de Pandore. Pour autant, c'est étrange, car j'ai l'impression d'avoir déjà parcourue des terres que je n'ai jamais vue.

Peut-être était-ce là un des mystères de la nature des Espers ? Des mémoires partagées avec leurs "parents", ou bien une transmission de visions par la magie, à laquelle ils sont légèrement plus sensible que le commun des mortels. Mikasa ne savait pas réellement. Concrètement, elle ne sait même pas qui elle est. Mais elle sait qui elle sera et qui elle a été de par le passé. D'ailleurs, la question de Zärfell au sujet de son ancien camarade de l'armée la fit rire.

Non, pas toujours en réalité. Il était un Kohai comme moi et nous avions tous les deux intégrés la même Unité lors de notre service militaire. C'était quelqu'un d'assez craintif et perturbé. Puis son premier enfant est né, et je pense que cela l'a comme soulagé d'un poids. C'est à partir de là qu'il est devenu l'homme que tu vois aujourd'hui. Il faisait les quatre cent coups et m'embarquer souvent dans ses bêtises. Kenshin était un soldat de l'Unité Rouge qui s'est occupé de nous c'était souvent lui qui réparer les pots cassés et se faire disputer par le Capitaine à notre place.

Elle souriait en racontant cette histoire et les anecdotes de l'armée. Pour les non-natifs de l'Empire, c'était peut-être une torture ou une atteinte à leurs droits que ce Service Militaire Obligatoire. Mais pour les enfants de l'Empire, c'était ni plus ni moins que l'occasion de se faire nombres de souvenirs et d'amis. Elle reprit la ronde, invitant Zärfell à la suivre. Faire une pause était agréable, mais il fallait quand même veiller à ce qu'aucun monstre ou aucune présence ne vienne perturber le sommeil de l'équipage et la bonne trajectoire de la flotte. L'attaque du Kraken la nuit dernière lui avait plutôt servie de leçon. En y repensant, avec des Mages aussi puissants à bord, il n'y avait peut-être pas grand chose à craindre des menaces extérieures.

Le reste de la nuit se déroulait tranquillement, entre les dialogues qu'elle entretenait avec son camarade et une nuit de sommeil plus reposante que la première fois. La journée s'entamait sur le même spectacle que la veille, et Mikasa reprenait son activité d'entretien de l'armement et de la ferraillerie du navire. Elle commençait à réussir à échanger de plus en plus avec le maître-charpentier, qui lui apprenait au passage des choses sur le bois et l'entretient d'un bateau. Sans trop croire à une relation amicale, elle y distinguait aisément une autre qu'elle connaissait déjà. Celle d'un maître et de son apprentie.

Lors du repas, l'Esper ne manqua pas de rappeler au marin perdant de la veille qu'il lui devait sa part de poisson sur trois jours. Alors elle prenait avec plaisir l'animal qui avait été vidé de tout son contenu pour le mettre sur son morceau de pain sec et s'en improviser une tartine. Elle avait une fois de plus prit le siège aux côtés de Zärfell et échangeait avec lui sur le courant de la journée. Combien de temps encore y avait-il avant de pouvoir prétendre n'avoir franchit que la partie connue de Pandore ? Les mers sont vastes et même avec des vents toujours favorables, il est difficile de parcourir autant en si peu de temps.

~ Il écouta sa réaction quant aux Jeunes Terres tout en fixant l'Esper. La description de Ryoujô lui permettait de mieux comprendre qui il était. Apparemment, lui aussi le fait de devenir père l'avait changé. En écoutant ce récit, il fut heureux de voir à quel point ce service militaire avait lié des affinités entre ces personnes. Il contempla l'océan. Lui n'en avait pas gardé grand chose, ni de réelles amitiés, ni de réels souvenirs majeurs dans sa vie. L'idée de vivre dans une communauté qu'il n'avait pas choisi ne l'avait pas vraiment enchanté quand il était adolescent. Il était déjà agité chez lui, alors devoir se plier à des règles strictes et un cadre de vie tel celui de l'armée lui convenaient très peu. La garde et le reste de la nuit se passèrent heureusement sans entrave.

Le lendemain, il reprit son travail aux côtés de Kei. Les voiles étaient immenses et reboucher la moindre petite imperfection prenait un temps fou. Au loin, ils virent passer de petits bateaux commerçant qui devaient sûrement se rendre à Mandrosa. Rien d'inquiétant, cela prouvait qu'il y avait un peu de vie sur cette mer. Zärfell reconnut les drapeaux d'Awarennor et de Gandur. Les deux nations semblaient s'être mises ensemble, sûrement pour allier leur force en cas d'attaque. Il s'agissait de quatre bateaux, deux du Royaume et deux du pays des mercenaires et des Mages. Ils semblèrent faire des signes de salutation aux marins du vaisseau de tête de la délégation shoanienne. Puis, les voiles de ces lointains navires claquant au vent, ils prirent une route légèrement différentes. Le jeune homme se perdit un peu dans cette contemplation avant que la voix de Kei ne le ramène à la réalité :

- Eh oh, le Mage, on rêvasse ?
- Hum... Oui, désolé.
- Haha, y a pas de mal, mais il faut finir cette voile avant le déjeuner.

Le magicien s'activa à rattraper son retard. Les goélands et les mouettes faisaient entendre leur cri au sommet du navire. Le chien de l'armée les fixait avec appétit. Sûrement en aurait-il croqué un ou deux s'il avait pu. Enfin, l'heure du repas sonna. Zärfell prit son pain, son eau et un petit morceau de poisson, avant de s'asseoir et de tartiner tout ça. Le Sylphe ne se sentait pas d'humeur très bavarde ce midi, mais il discuta avec l'Esper concernant sa matinée. Il fut ravi d'apprendre qu'elle avait réussi à réparer quelques éléments de l'armature métallique du vaisseau. Soudain, Kei parlant de ses souvenirs :

- Dans mon village de montagne, c'était la vie dur. On mangeait du pain, comme ça, quand il n'y avait rien d'autre à se mettre sous la dent. Pas de riz aussi, que des graines pauvres qui pouvaient pousser sur ce sol infertile une partie de l'année. Ah lalala, j'espère que ces terres pour lesquelles nous naviguons serons plus abondantes que ce que j'ai connu étant jeune !

Et chacun raconta sa vie passée, la rudesse de la vie campagnarde et la beauté des paysages. On parla des marchés de sa région d'origine et on parla de quand on avait fait son service militaire. Ryoujô parlait et blaguait, comme à son habitude. Le trentenaire écoutait tout d'une oreille distraite. Il était dans dans un de ces moments où il aurait préféré être seul. Il réfléchissait à des préparations d'alchimie et du manque de tests de recettes qu'il avait effectué. Il devait absolument rattraper ça. De plus, il n'était pas aller à Gandur depuis plusieurs mois pour discuter avec Willy, Elen et d'autres Mages. Il devait à nouveau emprunter des livres pour des recherches sur l'origine de la magie sur Pandore et il songeait de plus en plus, avec ses amis, à fonder une sorte de petite académie de magie, pour que les Mages aspirants et aspirantes puissent venir consulter des Mages plus expérimentés. Après tout, les débutants n'avaient pas tant que ça d'endroit pour les guider dans leur apprentissage. Il fallait plus de solidarité entre les Mages pour la transmission du savoir... Il était parti loin et les Jeunes Terres ne préoccupaient pas trop son esprit. Il y pensa un peu, pour l'alchimie, la magie, mais rien de plus. Alors que les discussions allaient bon train, il avait la tête légèrement relevé et il semblait contempler le bleu océanique à perte de vue... Soudain, son nom résonna plusieurs fois dans son oreille avant qu'il ne parvienne à son cerveau.

- Au fait, et vous Mage Zärfell, où est-ce que vous avez fait votre service militaire ?

Certains levèrent les yeux. La question paraissait intéresser certains et certaines, d'autres préféraient tenter d'avoir du rab.

- Mon service militaire, hum ?

Il prit un air de réflexion.

- Je sais plus trop...
- Comment ça ?, rétorqua Ryoujô. Allons, tu dois bien te souvenir de ça ? C'était dans quel bataillon, quelle division, quelle unité ?

L'entrain du militaire le mettait un peu mal à l'aise. Du coin de l'œil, l'homme aux cheveux blancs vit qu'on le regardait. Mais il vit aussi que d'autres n'en avait strictement rien à faire et engloutissait avec appétit leur ration. Cela le rassura. Il se gratta la tête, posa son menton dans la paume de sa main et réfléchit.

- Je me souviens ni du bataillon, ni de la division à vrai dire. Tout ça m'est sorti de la tête. L'unité, je crois que c'était vert, mais je ne suis pas sûr.

Ryoujô fut un peu déçu et il soupira un peu.

- Et qu'est-ce que tu faisais comme travail ?
- J'étais Soigneur.
- Oh, j'en ai pas rencontré beaucoup, vous faisiez quoi là-bas ?
- Euh... On s'occupait des plantations de plantes médicinales, on apprenait à utiliser la magie pour soigner, on fabriquait des potions et on avait des tas de cours sur le corps humain, les plantes, la magie, des calculs à faire, des choses comme ça. Parfois, on faisait des manœuvres avec des soldats pour apprendre à soigner sur le terrain. Voilà, c'est à peu près tout je crois.

Maintenant qu'il en parlait, il se souvenait d'un jeune soldat exécrable qui n'avait pas beaucoup les auxiliaires dans son cœur. Il se souvenait que son unité était juste à côté d'une rattachée aux Vétérinaires et que ce gars-là, qui était dans la Cavalerie, ne les traitait pas toujours comme des membres à part entière de l'armée. Sûrement car ils ne participaient pas au combat et, qu'au final, le maniement des armes n'était pas trop leur boisson quotidienne. Mais à part ce type, ça avait été, du moins, dans l'ensemble et de ce qu'il se souvenait. Les repas reprirent davantage et Kei se tourna vers lui :

- Ça n'a pas l'air de t'avoir passionné, tes années à l'armée.
- Non, pas vraiment en effet. Je sais pas si je serais reconnaître d'anciens et d'anciennes camarades de mon service d'ailleurs.

Kei rit de bon cœur.

- On s'en fout, aller, arrêtons de parler du passé. On peut pas être copains comme cochon avec tout le monde. Aller, pensons à ces Jeunes Terres qui nous attendent, santé !

Et il leva son verre d'eau avant de l'engloutir d'une traite. Le vieux loup de mer s'exclama :

- L'eau, ça vous fait rester jeune. Mais j'aurais bien aimé un peu de rhum ou d'hydromel dans ce verre, pas vrai messieurs dames ?

Et les marins attablés autour de lui rirent aussi de leur côté. Zärfell esquissa un sourire avant de se tourner vers l'Esper :

- J'avais oublié à quel point les marins savent être bruyants. Il faut dire, passer son temps sur un rafiot loin de toute terre, ça donne naissance à de sacrées ambiances.

L'après-midi, après que chacun se soit remis on travail, on autorisa un petit jeu sur le pont, afin de se divertir quelques minutes à tour de rôle. En effet, il ne fallait pas baisser sa garde, mais on pouvait bien s'amuser un peu. On organisa un jeu très classique : le tir à la corde. Un coup de craie matérialisait la séparation des deux camps. Ce bon vieux Kei, qui avait vécu plus d'un jeu en mer, menait la danse. De petites équipes de trois ou quatre personnes, pas plus, se formaient pour s'affronter le temps de quelques minutes avant de retourner travailler. Zärfell n'avait pas très envie, mais Kei insista :

- Aller, aller, pas de différence, tout le monde va bouger son popotin et me tirer cette corde !
- Oui, mais toi Kei, protesta une marin. C'est quand que tu participes ?
- Eh oh ! Attends que j'ai constitué l'équipe troisième âge et on viendra, nous, tous les vieux et vieilles, vous foutre une raclée. Ces jeunes, toujours pressés. Il faut un peu de temps pour que nos rotules soient chaudes, tu permets ?

Les marins autour éclatèrent de rire. Zärfell secoua la tête et se retrouva aux côtés de l'Esper, qui avait certainement dû quitter son travail avec le maître-charpentier, et Kenshin. En face, Ryoujô, dans le camp adverse, semblait ne plus en pouvoir.

- Aller, on commence, on commence ! Moi et mon équipe, on va vous battre sans problème !
- C'est ça, répliqua le Vice-Capitaine. Rappelle-moi qui a perdu contre Mikasa hier soir ?

Les camarades de Ryoujô éclatèrent de rire une nouvelle fois.

- Ça, c'est de l'histoire ancienne, mon cher Vice-Capitaine. Il se retroussa les manches. Attends que je mette les bouchées doubles pour battre Mikasa cette fois-ci !

Kei se permit de rappeler, dans toute cette cohue :

- Je rappelle aimablement au Mage que l'utilisation de la magie est interdite, hein ? Sinon, on sait déjà qui va gagner, haha !

Kei rit aux éclats de sa remarque et Zärfell roula des yeux avant de répliquer, l'ambiance semblant le gagner peu à peu :

- Oh oui, ça va ! Nous les Mages, on a l'habitude qu'on nous dise de ne pas utiliser notre magie. C'est pas pour rien qu'on préfère s'amuser entre nous, au moins on peut s'envoyer des boules de feu et d'eau à part égale.

Ryoujô fronça les sourcils face à Mikasa et Kenshin :

- Vous allez voir qui a les plus gros bras !

Mikasa écoutait d'une oreille attentive la carrière militaire de Zärfell, qui semblait ne pas l'avoir marqué comme elle. Elle regrettait presque de lui avoir montré autant d'entrain et de nostalgie en parlant avec lui de son expérience cette nuit. Elle se sentait même presque ridicule. Mais cela appartenait déjà au passé maintenant. L'entrain du marin vétéran, qu'elle n'avait pas encore repéré, la ramena sur terre avec un grand sourire. Elle se leva elle aussi pour trinquer aux côtés du reste de l'équipage. À l'exception près du maître-charpentier, qui était encore dans l'entretient du navire. Il lui avait dit dans la matinée qu'un bateau c'était toujours comme un enfant pour lui. Et qu'en tant que père, il ne devait jamais laisser un enfant seul. Elle avait hoché la tête sans pour autant comprendre. Puis elle regardait Zärfell qui lui faisait une remarque sur l'ambiance en mer. Elle sourit.

"Exactement. L'entraide et l'amitié mènent à la fraternité et à ce genre de scène atypique."

Elle était penchée sur les pointes des flèches et les couteaux de cuisines quand on l'appelait sur le pont. Sans perdre temps à l'accoutumé, Mikasa s'était précipité sur le pont. Elle fut quelque peu soulagée -mais aussi surprise- de découvrir que tout cela n'était que pour organiser un jeu. L'ancienne militaire n'avait pas beaucoup joué dans sa vie, très peu de temps avec la forge. Elle avait confectionné des jouets pour les enfants du village, mais n'avait jamais joué elle-même avec. Alors elle se laissa emporter par la gaieté légendaire des marins. Elle écouta les règles et comprit le jeu, qui en soit était très facile. Elle se retrouvait dans l'équipe de Zärfell et Kenshin. En face d'eux, la petite équipe, composé entre autre de Ryoujô. Alors que celui-ci précisait que ce serait tricher d'utiliser la magie, Mikasa ria en le provoquant.

"Inutile Ryoujô. Le Vice-Capitaine a lui seul pourrait vous tirer tous les trois.

Le géant éclata de rire et proposa de n'utiliser qu'une seule main pour équilibrer. Ce à quoi Ryoujô répliquait que ce ne serait pas intéressant, il souhait le battre avec toutes ses capacités. Autour d'elle, l'Esper voyait les trois autres équipes se préparaient elles aussi pour le jeu. Est-ce qu'une petite compétition allait se mettre en place pour tuer le temps ? Un marin se présenta pour donner le signal de départ. Il tenait un tissu dans la main et précisait que quand ce dernier toucherait le sol, le jeu commencera. Mikasa acquiesçait et surveiller de son œil attentif. Malgré les petits vents marins, le morceau de textile descendit doucement vers le sol en se balançant comme une feuille morte. À peine toucha-t-il le sol, la corde se raidit d'un seul coup. Les six compétiteurs donnaient tout ce qu'ils avaient pour tirer dans leur sens. Mikasa, ferme sur ses appuis, surveillait Zärfell devant elle, laissant Kenshin assurait l'arrière sans trop de problèmes. Les spectateurs encourageaient les équipes. La première avait déjà terminé, la fatigue ayant permis de l'emporter. Mikasa se tourna vers Kenshin et lui sourit. Cela servit comme un signal au géant, qui posa fermement ses deux mains sur la corde, prit un appui ferme, et tira sèchement sur la corde. Cela ne manqua pas : l'équipe d'en face se retrouva soudainement emporté et s'étala de tout son long sur le pont dans l'hilarité générale.

L'ambiance n'avait pas manqué de se réchauffer avec cette petite activité de l'après-midi. Et maintenant, c'était le retour de la patrouille de nuit pour Mikasa et Zärfell. La demoiselle se mettait à bailler de manière peu gracieuse en continuant de tenir la lanterne à bout de bras. Elle regardait son camarade, peut-être pour la première fois d'un œil vraiment analytique. Il était plus vieux qu'elle, à la fois physiquement et d'âge. Elle pouvait voir, malgré la nuit, sur son visage, les marques du temps et de l'aventure. À part Erimos, il devait avoir vu beaucoup d'aventures et de contrées. Elle remarquait aussi à sa taille l'athamée dont il ne se séparait jamais. Elle serait curieuse de lui demander de l'observer, mais elle savait qu'une arme était comme l'extension de son propriétaire. Pour cette raison, elle laisserait se taire sa curiosité de forgeron. Puis elle regardait le bâton d'alchimie qui brillait d'une étrange lueur arc-en-ciel dans la nuit. Finalement, ses lèvres s'ouvrir, assez curieuse, bien trop peut-être.

"Zärfell, tu as été à Erimos après ton départ du service militaire non ? Tu as connus d'autres aventures à part le désert ? Et ce bâton d'Alchimie, comment l'as-tu eu ?"

~ Zärfell se mit en position, devant ses deux coéquipiers. Il voyait Ryoujô en face de lui, les yeux en feu, prêt à montrer ce qu'il avait dans le ventre. Il tenait la corde si fermement qu'elle n'aurait pas pu s'échapper. Harmattan observait tout cela aux côtés du chien, perplexe. Le Sylphe avait l'impression de retomber dans l'adolescence, quand il faisait des jeux similaires avec les habitants de son village. En tout cas, son adversaire avait l'air de prendre ça très au sérieux. Zärfell, lui, voulait juste profiter d'un bon moment, mais il n'allait pas pour autant se retenir. Il se prépara pour le signal, comptant sur ses deux camarades derrière. A son tour, il serra un peu plus la corde dans ses mains, fronçant légèrement les sourcils. Il était bien loin d'être un gaillard, toutefois, ce n'était pas non plus un tas d'os. Crapahuter partout et aimer la baston, ça vous forge un corps solide ! Il observa du coin de l'œil le foulard tomber et, dès que celui-ci toucha le plancher du navire, Zärfell tira de toutes ses forces pour faire venir à lui ses trois adversaires. Pas question que ses pieds glissent ou qu'il lâche l'affaire ! Derrière, il sentait que ça tirait fort aussi. Si Akane le voyait... Elle viendrait sûrement le rejoindre pour qu'ils remportent la partie ! Zärfell entendait les encouragements autour de lui et il pouvait sentir le poids qu'exerçaient ses adversaires. Personne ne voulait lâcher le morceau.

Soudain, l'Alchimiste sentit qu'on tirait un peu plus dans son dos. Il esquissa un sourire en voyant Ryoujô se démenait déjà pas mal. Hélas pour lui, le magicien comprit que Kenshin avait dû mettre les bouchées doubles. Le Mage suivit le puissant coup de corde de son coéquipier et vit l'équipe en face s'étaler par terre, Ryoujô étant pris par surprise. L'Erudit éclata de rire, de bon cœur, emporté par la gaieté générale. Zärfell aida Ryoujô à se relever, rouge de rage, mais celui-ci finit par rire à son tour. La bonne ambiance rayonnait sur le bateau ! C'était tant mieux, le voyage était des plus longs alors, il valait mieux une bonne ambiance et des rires qui fusaient partout que du stress permanent et de la morosité due à la longueur du trajet. Après ce petit exercice et quelques bonnes tranches de rire et d'encouragements, chacun et chacune reprit son poste avec attention. La nuit tomba plus vite que prévu, sûrement dû à ce divertissement.

Les duos de garde ne semblaient pas changer d'une nuit à l'autre, sûrement pour s'habituer à la présence de la même personne ou peut-être pour faciliter les rotations. En silence, le jeune homme effectuait donc sa surveillance an compagnie de Mikasa. Harmattan avait décidé de dormir dehors, ce soir, non loin du chien qui s'était fait à la présence de cet autre animal étrange. Les deux bêtes dormaient chacune de leur côté, roulées en boule. Le bâillement de Mikasa fut communicatif car Zärfell bâilla à son tour. Puis, il scruta l'horizon quand les questions de son amie le ramenèrent à l'instant présent. Il sourit tout en se grattant son épaisse chevelure. Il fut prit d'un élan et se mit à raconter son périple :

- Oui, c'est ça, je suis parti quelques temps après. Et oui, j'ai vécu bien d'autres aventures avant de visiter Erimos. Ça a été ma dernière destination en plus d'un an et demi de voyage. Je suis parti à dix-sept ans de chez moi et j'ai d'abord pris la route de Gandur, car j'étais un Mage novice à l'époque et j'étais curieux de lire les livres de la bibliothèque là-bas et de rencontrer des magiciens bien plus expérimentés pour progresser. Puis, j'ai visité un peu tous les pays, pas forcément très longtemps, parfois je ne restais même pas un mois. Je voulais surtout voir à quoi ressemblait chaque nation de Pandore. A Coluo, j'ai rencontré le Vieux Sage, puis j'ai été à Awarennor avant de terminer par Erimos. J'y suis resté presque un an là-bas. J'adore cet endroit ! C'est très calme, très silencieux, même si j'avoue que le paysage n'est pas très varié haha !

Il sourit, amusé par sa remarque. Il était vrai qu'à part des dunes, quelques villes près d'oasis et les ruines des Wadjis, il n'y avait pas des masses de choses à voir. Si, peut-être voir l'océan lécher le sable chaud du désert. Ça, c'était singulier. Voir un immense désert être au bord de l'eau. C'était un peu déroutant quand on voyait ça pour la première fois. Puis, il regarde son bâton et sourit davantage. Les souvenirs aux côtés de Freyla et de toutes les personnes qu'il avait rencontrées - Sakuya, Fujiwara, sans oublier Meisha, bien sûr - lui revinrent.

- En réalité, je ne l'ai pas eu, je veux dire, comme tel, mais je l'ai fabriqué. La réunion de plusieurs éléments a été nécessaire pour le fabriquer. C'est grâce à une amie, Dame Freyla, que j'ai pu obtenir le plus important de tous : la pierre philosophale. C'est un peu long à raconter, mais tout ça à commencer quand j'ai entendu parlé d'une étrange science éteinte : l'alchimie. J'ai donc été mener ma petite enquête à la bibliothèque de Gandur et j'ai appris l'histoire de cette science qui allie la connaissance de la magie et les connaissances scientifiques. Elle est née à Awarennor, mais semble-t-il, c'était des Wadjis qui en détenait une partie des mystères, notamment sur l'utilisation de la pierre que tu vois au sommet du bâton. J'ai donc continué de mener mes recherches et j'ai appris que la dernière Alchimiste connue, Necrok, reposait dans la cathédrale de Couronne. Il s'est avéré que c'était dans son tombeau que se trouvait la pierre philosophale. C'est dans les livres, à Gandur, que j'ai appris la recette pour fabriquer ce bâton et, ensuite, pouvoir réaliser des créations avec.

Rien que d'en reparler, il en avait des étoiles plein les yeux. Une des plus grandes aventures de sa vie et de sa vingtaine, qui se poursuivait encore aujourd'hui.

- Je ne sais encore pas grand chose de cette science. J'ai le bâton, le chaudron, la pierre et j'ai fait plusieurs essais concluants, et moins concluants, de mélanges. Mais je ne sais pas vraiment encore toute l'étendue de ses possibilités. Les Anciens n'ont d'ailleurs pas forcément laisser beaucoup de choses à ce sujet. Je crois que les dernières Alchimistes ont emporté leurs secrets de recettes et les précautions sur les potentiels dangers avec elles...

Soudain, il se rendit compte de combien de temps il avait parlé ! Il se gratta la tête, gêné :

- Désolé, j'espère ne pas te barber avec toutes ces histoires de magie et d'alchimie. Moi, j'adore ça, mais je comprends que ça puisse être chiant à mourir. Ça t'intéresserait tout de même de participer à ces recherches sur les recettes et l'alchimie en général ?

Il regarda la jeune femme et attendit impatiemment ses réactions, effectuant avant toute poursuite de la discussion un nouveau regard panoramique sur l'horizon pour s'informer de l'état de l'océan. Néanmoins, il espérait que Mikasa soit intéressée par toute cette histoire passionnante qui lui faisait battre le cœur !

Mikasa écoutait les histoires de Zärfell, en oubliant presque sa garde. Il avait beaucoup plus voyagé qu'elle. Il fallait dire qu'arpenter l'Empire était déjà une grande aventure, en considérant la superficie totale de son territoire. Elle buvait les paroles du Mage comme à une fontaine. Et quand il parlait de l'alchimie, elle pouvait voir un deuxième ciel étoilé dans ses yeux. De toute évidence, le sujet le passionné énormément. Depuis le départ de la flotte, elle n'avait pas pris le temps de considérer l'offre qu'il lui avait fait à ce sujet. Son père lui avait parlé de la forge magique et l'enchantement des objets, mais l'alchimie, c'était visiblement tout à fait autre chose. Peut-être bien que finalement, cela lui apporterait quelque chose. Quand il s'excusa d'avoir déblatéré à ce sujet, elle secoua la tête pour dire non.

"Non tu n'as pas a t'excuser. C'est normal de se lâcher quand on parle d'un sujet qui passionne. Si tu m'avais vus parler de la forge à des enfants. Une vrai pie. C'est d'ailleurs comme ça que certains habitants du village m'avait appelé : la pie forgeuse. Je dois admettre, ce n'est pas ma plus grande fierté."

Et elle rit en y repensant. Au même moment, des mouettes se joignirent à la fête. Elle leva la tête vers les oiseaux moqueurs.

"Des mouettes ? On ne peut pas déjà être arrivé ?
- Mais non, ça c'est les restes de l'Empire. On a même pas encore dépassé Gandur.

Mikasa tourna la tête vers le marin à la vigie qui semblait bien s'ennuyer là-haut. Il devait avoir entendu toute la conversation depuis son perchoir. Curieuse, elle haussa la voix pour lui poser une question.

"Je ne m'étais même pas interrogée, mais combien de temps mettrons-nous à faire toute la traversée ?
- Oh... Avec les vents favorables que nous offre la Musicienne et si on ne rencontre pas d'autres obstacles, il nous faudra déjà un mois pour atteindre la pointe de Gandur. Après le temps de quitter la mer intérieur en passant par le Détroit des Marchands, encore deux bons mois. À partir de là, je ne sais pas."

Plus le marin évoquait le temps de trajet, plus Mikasa se résignait à l'idée d'arriver bien vite. En d'autres termes, cela était un voyage plutôt long. Trois mois minimum en mer. Elle en rajoutait encore quatre pour avoir un compte solide. Et cela ne faisait que trois jours qu'ils étaient partit. L'Esper soupira en reprenant la ronde.

Trois à sept mois de traversée minimum. Je ne m'en étais pas aperçue. Eh bien Zärfell, nous aurons le temps de faire amplement connaissance sur toute la durée du trajet.

Mikasa se rendait bien compte de ce qu'elle disait ici. Cela lui rappelait en quelque sorte, une fois encore, les séjours à l'armée. Les longues marches en rythme pour atteindre les différents campements éparpillés dans l'Empire. Les manœuvres et les entraînements au corps à corps. Elle devait avoir parcourut deux à trois fois Pandore sans quitter l'Empire. Eh bien, s'il fallait autant de temps de trajet, qu'il en soit ainsi.

Le mois était passé plus rapidement que ce à quoi l'Esper s'attendait. Pour elle, cette traversée de la Mer Intérieure s'était résumée à travailler les pointes de flèches, les armes rouillées des marins et les clous et autres ferrailleries du bateau. C'était la voix enjouées des marins du navire qui la sortait de sa petite forge et la fit se précipiter sur le pont avec un grand sourire. On avait annoncé les terres de Gandur. L'Esper ne voulait pas perdre une miette de voir un petit bout du pays des Mages. C'était sans doute la seule fois où elle pourrait le voir d'aussi près. Alors elle s'accumulait avec les hommes contre la rambarde du navire et faisait de grands gestes de bras pour saluer les navires de pêches en haut mer. Au loin, les côtes de Gandur alternaient entre hautes falaises et plages de sables blancs. De temps en temps, un grand phrase dominait le paysage, gardien inflexible. Ils allaient les longer encore deux mois, coincé entre Gandur et Tonel. Ces deux territoires formaient le fameux Détroit des Marchands dont avait parlé la vigie il y a un mois. C'était le maître-charpentier qui lui avait expliqué plus en détail le trajet. L'Esper restait là devant ces terres de magies et essayait d'imaginer à quoi ces villes pouvaient bien ressembler.

Le soir même, c'était encore une ambiance de joie et de jeux entre les marins. Sans être réellement surprise, Mikasa avait remarqué que ces hommes et femmes de la mer avaient une patience exceptionnelle. Pour eux, quatre mois n'était absolument rien du tout. Oh sûrement, le trajet aurait été raccourcis d'autant s'ils étaient partis depuis les ports de l'Océan de Yami, comme Nosami ou Oisho, lui avait expliqué un marin. Mais ces ports n'ont pas autant de capacités de flotte que Choukai, le plus grand de l'Empire. Elle réfléchissait à ça quand Ryoujô poussa un cri de défaite. Il venait de perdre au bras de fer contre Hikato. Le chasseur avait également était un précieux guide pour l'Esper, et ses connaissances des animaux et monstres de Pandore lui avait donné quelques idées, qu'elle avait noté sur des feuilles emprunter à Zärfell. Le grand gaillard se tourna d'ailleurs vers l'alchimiste avec un sourire à travers tout le visage, le bras déjà prêt à retourner dans ce jeu de force.

"Tenez Zärfell ! Voulez-vous voir qui de la magie ou de la chasse est le plus fort ? On met en jeu la prochaine semaine de garde, cela vous dit ?"

Faire des tours de gardes avec quelqu'un d'autre que Zärfell ? L'idée déplaisait quelque peu à Mikasa. Elle s'était habituée à sa présence et l'aura de confort qu'il émettait. En un sens, elle espérait qu'il perde, pour pouvoir défier le chasseur au même défi et perdre à son tour. Faire quelques heures de gardes en plus ne la gênait pas, elle avait perdu la notion de fatigue sur ce navire depuis un long moment maintenant.

~ Zärfell était content de ne pas avoir barbé Mikasa avec ses propos. Il rit un peu au surnom qu'on lui avait donné, qu'il ne trouvait pas très flatteur et qui, s'il avait eu un nom semblable, l'aurait certainement un peu blessé dans son ego avant qu'il n'en tienne plus compte. Il leva aussitôt la tête en entendant les mouettes avant d'écouter les paroles qu'échangeaient la vigie et la jeune Esper. La durée du la traversée résonna un peu dans son esprit. S'il n'avait pas été père de famille, sûrement cela ne lui aurait-il rien fait, tout ce temps de voyage. Cela ne lui aurait fait ni chaud, ni froid. Mais là, il n'allait pas voir ses enfants pendant un moment... C'était la seule chose qui le chagrinait un peu, néanmoins, il valait peu de temps passé avec quelqu'un, mais un temps de qualité, que beaucoup de temps sans relation et échanges de qualité. Cette pensé lui remonta le moral, tout comme l'idée de passer bientôt près de Gandur. Ainsi, il sourit quand l'Esper soupira avant de s'adresser à lui.

- Oui, répondit-il en acquiesçant à Mikasa. Nous aurons bien le temps de discuter de forge et d'alchimie ! termina-t-il avec un petit clin d'œil amical et un sourire amusé.

Puis, il regarda l'océan... Sept mois de voyage... Il sourit. Il préférait regarder le côté positif des choses : il était toujours ravi de partir à l'aventure, en réalité peu importait le chagrin, son cœur était toujours heureux, et il aurait plein d'histoires à raconter à Akane et à leurs enfants. Ce serait l'occasion de créer un spectacle de marionnettes ou de les faire rêver et de leur donner envie de voyager. Il se promettait de ramener plein de dessins pour toute sa famille.

Ce premier mois s'écoula sans heurt. La Musicienne maintenait une météo idéale et Zärfell, en sentant cet air pur et cette eau salée, se sentait souvent de bonne humeur. Le grand large, l'impression d'immensité, il aimait ça, il adorait ça même, les espaces grand ouverts. Il pensa ce mois à soigner encore des gens ou à soulager des douleurs dues au travail physique sur le bateau. Il continua de recoudre des voiles, de réparer des cordages aux côtés de Kei et des autres marins affectés à cette tâche. Il participa aussi au cuisine en proposant quelques repas un peu plus élaborés avec les maigres possibilités qu'ils avaient. Zärfell aimait voir les troupes en forme grâce à tout l'à côté parfois négligé dans l'armée : les soins, la nourriture, la propreté... S'il avait bien retenu une chose de son service militaire, c'était que tout cela n'était jamais optionnel et contribuait au moral des troupes.

Il sentit progressivement l'approche de Gandur. La trace magique grandissait à vue d'œil pour le Mage expert qu'il était. Chaque jour, il sentait un peu plus cette empreinte magique. Alors, quand ils furent en face des côtes ganduriennes, il était monté un peu dans les cordages pour sentir cette magie ruisselante et admirer ce pays qu'il aimait tant. Sûrement que son ami William, l'Ael Mage de Lumière, devait encore courir à droite à gauche, une idée farfelue en tête, allant d'auberges en ateliers pour donner vie à ses idées et sûrement qu'Elenwë devait continuer ses recherches astronomiques avec son groupe d'étude. Il pensa à eux en voyant ces côtes-là. Lui aussi fit de grands gestes aux pêcheurs qui les observaient passer et leur rendait leur salutation. Après tout, ce n'était pas une petite délégation qui passait-là mais bien une immense troupe de navires de Shoan. L'Alchimiste eut un léger pincement au cœur, mais le bonheur de voyager balaya bien vite cette nostalgie. Il ferma les yeux quelques instants pour profiter pleinement de l'afflux de magie qui soufflait jusqu'à lui, puis, il se remit au travail.

Le soir venu, comme quelques soirs dans la semaine, Zärfell se retirait un peu de la joyeuse cohue des marins. Il sortait alors ses livres, ses carnets de note et étudier, ce soir, de potentielles recettes. Il essayait de faire des combinaisons, des statistiques et imaginait les résultats possibles à partir de ce qu'il avait compris de l'alchimie et déjà observé. Puis, il poursuivit une étude sur une langue ancienne, bien obscure et dure à déchiffrer, qui parlait des prémices de la magie sur Pandore. Il était tellement concentré qu'il en vint à oublier les bruits autour de lui, les jeux, les voix féminines et masculines... Comment la magie avait-elle bien pu apparaître sur Pandore ? D'où venait-elle ? Pourquoi tout le monde en possédait-il, même seulement quelques traces, en lui ? Que permettait-elle chez les individus ? Protégeait-elle de quelque chose ? Après tout, chaque élément du corps humain semblait avoir une fonction, peut-être la magie aussi, au-delà d'être une entité manipulable pour les Mages... Il se penchait de plus en plus sur ses livres, sa figure figée dans une expression de concentration. Il griffonnait des trucs, des hypothèses, essayait de traduire, sans grand succès parfois, quelques lignes... Bientôt, la table fut recouverte de papiers griffonnées et de livres ouverts... Ces questions le taraudaient de plus en plus quand, d'un coup, une voix et son nom le tirèrent de ses pensées...

Il mit un temps pour relever la tête et voir que Hikato lui parlait. Quelques gens s'étaient aussi tournés vers lui. Le chasseur le mettait au défi. A vrai dire, ce soir-là, les questions l'avaient tellement torturaient l'esprit qu'il aurait préféré y passer la nuit sans être dérangé. C'était comme ça, des fois, le jeune homme était le Mage typique, ermite, solitaire, ayant besoin de se plonger dans la solitude totale des livres pour laisser fleurir ses capacités de réflexion et laisser son intuition parler... Il ne sourit pas et se contenta de regarder la scène. Ah oui, un bras de fer. Là, le jeune homme se força à sourire. Les jeux de force, typiquement ce que Zärfell répudiait un peu. Il préférait de loin les jeux d'adresse et de souplesse, mais il se força à se rappeler qu'il était dans un environnement militaire entouré de joyeux marins. Le trentenaire ne voulait froisser personne même s'il aurait préféré refuser ce jeu-là. Non, ce soir, décidément, ce n'était pas le soir. Toutefois, il se leva quand même de sa table et rejoignit le groupe.

- Ah, tu veux parier sur un bras de fer ? Hum, tu t'adresses à un Mage, les jeux de force ne sont pas ma tasse de thé, du moins si je n'utilise pas ma magie. Mais bon, très bien, j'accepte le défi.

Les gens autour applaudirent, sourirent, tapèrent sur les tables, contents que l'animation se poursuive. Le Vétéran de guerre s'assit en face du chasseur et positionna son bras. Ses bracelets glissèrent sur son avant-bras tandis qu'il cachait son autre bras dans son dos. Il allait jouer selon les règles du jeu, sans magie, sans triche, c'était bien normal. Hikato était plus fort que lui et le magicien perdit la manche après quelques minutes. Il y eut de l'agitation, Zärfell se prit à cette joie du jeu, mais son esprit était ailleurs. Il avait envie de retourner à ses papiers et ses réflexions. Il vit certains hommes le taquiner, taper sur son épaule... Il sourit et rit par politesse, car ce genre d'ambiance pleine de muscles, de barbes et de voix graves, ce n'était pas du tout son élément. Il se tourna alors vers Mikasa et là, sourit sincèrement, pour s'excuser. Il haussa les épaules, l'air désolé :

- Navré d'avoir perdu, ce genre de jeu, ce n'est pas mon style. On peut pas être bon partout. Voilà la prochaine semaine de garde pour moi.
- Allez, Zärfell, ce n'est que partie remise. Vous n'étiez pas en forme, hein ?

Hikato lui adressa son large sourire jovial. Zärfell esquissa un sourire en retour. En un sens, le chasseur voulait jouer encore un peu, à ce que le magicien pouvait déduire de son attitude.

- Mais oui, mais oui, tu es bien content d'avoir gagné, Hikato. Ne me défie pas non plus à un portage du maximum de caisses, tu gagneras aussi.

Le chasseur rit :

- Allons, ne dites pas ça. Je vois que vous avez une dague, seriez-vous bon au combat au couteau par hasard ?
- Non plus. Je suis loin d'être très adroit au combat avec toute sorte de lame. Et puis cette dague-là ne sert pas à ce genre de chose.
- Ah bon ? Mais à quoi sert-elle alors ?
- A tailler des baguettes, des bâtons et découper des plantes proprement, servir à des préparations de potions. On peut bien se défendre avec cela dit, mais c'est pas sa première indication.
- Oh, une sorte de couteau de cuisine alors ?

Certains rirent. L'alcool semblait faire un peu trop de ravage ce soir. Zärfell rit avec eux, un peu par politesse là aussi. Il aimait beaucoup Hikato, mais il restait un chasseur avec une mentalité de chasseur. Il poursuivit ses petites piques amicales :

- Seriez-vous bon à la boxe par hasard ?
- Non plus...

Hikato sembla vouloir le provoquer en ce sens. On tapa un peu sur la table, comme pour encourager le mauvais jeu de mains qui se préparait. Faire de la boxe, il ne manquait plus que ça ! Zärfell décida de couper court à la tournure de la soirée. Les poings de Hikato pouvaient le mettre à terre...

- Allez Zärfell, réflexe droite gauche droite gauche !

Le jeune homme fronça les sourcils. Là, ça ne lui plaisait pas du tout. Souple et vif comme il l'était, il attrapa le bras en mouvement de Hikato et le maîtrisa par terre. Les Voyageurs lui avaient plus enseignés l'art de retourner la force de l'autre contre lui-même, aussi souple et rapide que les serpents vulnérables qui sillonnent le désert. Hikato fut un peu surpris.

- En vitesse par contre, je suis plutôt bon, renchérit Zärfell.

Hikato fut bien vite sur pieds et rit, comme pour se rattraper d'une mauvaise passe devant les hommes et les femmes qui participaient à cette petite activité du soir. Il posa une main sur l'épaule du Mage :

- Haha, sacré Zärfell, vous cachez plusieurs cordes à votre arc !

Le jeune homme fut rassuré d'avoir mit un terme à ces petites taquineries qui étaient loin d'être son terrain. Il rit encore une fois. Puis, Hikato se tourna vers Mikasa. Il fallait qu'il rattrape son coup, après avoir été plaqué contre le plancher du navire.

- Aller, Mikasa, je suis sûr que je peux te battre au bras de fer ! Je maîtrise trop bien ce jeu pour être défait.

Il étira à nouveau son large sourire taquin et un peu fanfarond. Ce soir, il avait envie de montrer qu'il dominait cet art. Le jeune homme aurait bien voulu retourner à ses livres, mais il se tourna vers Mikasa, comme par solidarité. A côté d'eux, ça jouait aux dès, aux cartes, aux fléchettes et à d'autres jeux typiquement marin.

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» Le Temps des Découverts ~ Les Jeunes Terres